Courriel de mon patron, hier matin: «Salut, une chronique sur la position d'Ottawa dans le conflit israélo-palestinien, ça te dirait?»

Si ça me dit? Presque autant que l'extraction d'une molaire à froid!

Petit sujet léger en ce beau lundi estival... Le beau champ de mines que voilà! Chaque fois qu'un chroniqueur s'y risque, il est assuré de recevoir des pots des deux côtés: de ceux qui défendent Israël et qui trouvent qu'on critique injustement l'État hébreu et de ceux, de l'autre côté, qui accusent Israël de frapper avec excès. Voilà bien le genre de dossier qui mérite retenue et nuances, mais celles-ci se perdent dans la passion aveugle des uns et des autres.

Parlant de nuances, elles ont disparu depuis longtemps au sein du gouvernement Harper lorsqu'il est question d'Israël.

À Washington, à Paris, à Berlin et dans la plupart des grandes capitales du monde, les leaders ont répété qu'Israël a le droit de se défendre et ils ont condamné les tirs de roquette sur des cibles civiles israéliennes par le Hamas, tout en se disant inquiets, quoique timidement, de l'escalade de violence et des pertes de vie de civils à Gaza. À New York, l'Organisation des Nations unies (ONU) a aussi appelé Israël à la retenue, déplorant les nombreuses victimes innocentes du côté palestinien.

Pendant ce temps, à Ottawa, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, sermonne l'ONU et envoie ses félicitations à Israël. Il a fallu des jours de frappes aériennes et près de 200 morts pour que, finalement, le gouvernement Harper présente ses condoléances aux familles des victimes innocentes. Et encore, c'est l'attaché de presse du ministre Baird qui l'a fait.

Le parti-pris unidimensionnel du gouvernement Harper envers l'État hébreu est connu depuis longtemps, mais lorsque des centaines d'innocentes victimes périssent sous les bombes de l'aviation israélienne, cette position devient embarrassante. Et contreproductive, parce que le Canada, en tant que «plus grand ami d'Israël», comme a déjà dit Stephen Harper, devrait profiter de sa relation privilégiée pour tenter de calmer le jeu.

M. Baird insiste, comme à chaque épisode de violence dans la région, sur le «droit d'Israël de se défendre». Personne, parmi les gens raisonnables, ne remet en question cette évidence: un pays libre et souverain doit, effectivement, pouvoir se défendre. Il est clair, aussi, que le Hamas a provoqué la riposte en tirant des centaines de roquettes sur Israël, en enlevant et en tuant des colons israéliens. Soit, une fois qu'on a dit ça, on fait quoi? On assimile «droit de se défendre» à permission de tuer des civils ou on participe aux efforts de médiation pour stopper l'escalade?

Ce qui est agaçant avec la position harperienne, c'est que si vous critiquez la force de la riposte légitime, vous niez à Israël le droit de se défendre et, donc, vous êtes contre Israël. L'immense majorité des Canadiens, j'en suis sûr, souhaitent que cette région du monde trouve un jour la paix et sont troublés par le mort de familles entières sous les bombardements intensifs.

L'ONU a sonné l'alarme, s'attirant les foudres d'Ottawa. «Nous avons reçu des rapports inquiétants qui affirment que la plupart des victimes civiles, y compris les enfants, ont eu lieu lors d'attaques contre des maisons. Ces rapports soulèvent de sérieux doutes quant au respect israélien des normes internationales des droits de l'homme et du droit humanitaire international», a déclaré Navi Pillay, la haut-commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme.

Réplique de John Baird: «Le Canada rejette les critiques injustifiées formulées par la haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme concernant la réponse d'Israël aux attaques à la roquette en provenance de Gaza. Les commentaires de Mme Pillay prenant pour cible Israël ne sont pas utiles et ne brossent pas un portait exact de la situation.»

Qu'en sait exactement John Baird? De quelles sources puise-t-il des informations fiables dans ce bourbier lui permettant d'affirmer que les critiques de l'ONU sont injustifiées?

En 2006, lors de l'intervention militaire israélienne contre le Hezbollah à Cana, au Liban, Stephen Harper avait donné le ton de son gouvernement en appuyant fermement l'État hébreu, une position qui manquait de nuances, selon des membres de son propre Conseil des ministres. Selon M. Harper, la riposte d'Israël était mesurée, et il avait refusé de blâmer l'allié hébreu pour la mort de sept ressortissants canadiens au Liban.

M. Harper avait aussi affirmé que les libéraux étaient anti-Israël parce que leur position était plus nuancée. Il faut dire que Michael Ignatieff, alors candidat à la direction du Parti libéral du Canada, avait alimenté la controverse en accusant Israël de crimes contre l'humanité à Cana... après avoir dit qu'il ne perdrait pas une heure de sommeil pour les victimes au Liban.

Dans un communiqué publié dimanche, John Baird a écrit ceci: «Les Forces de défense israéliennes ont pris des mesures extraordinaires pour réduire le nombre de pertes civiles, et ce, dans des conditions très difficiles. Israël mérite d'être félicité, et non critiqué, pour les efforts qu'il déploie face à un ennemi qui est clairement déterminé à mettre en danger la vie de civils des deux côtés, pour servir ses propres fins.»

Le communiqué du Parti libéral: «Le Parti libéral du Canada est très préoccupé par l'escalade de violence observée en Israël et dans la bande de Gaza. Nous demandons instamment à toutes les parties de négocier sans délai un cessez-le-feu immédiat. Tout doit être mis en oeuvre pour protéger la vie des civils.»

Quant au Nouveau Parti démocratique, il a été très discret sur la question au cours des derniers jours, avant de réagir hier en entrevue avec La Presse.

Il n'y a pas que les chroniqueurs qui n'ont pas envie de s'aventurer dans les champs de mines...