Après avoir essayé d'entrer la nomination à la Cour suprême d'un juge de la cour fédérale dans la gorge du Québec, Stephen Harper semble revenir à de meilleurs sentiments, travaillant maintenant avec une liste de juges admissibles fournie par le gouvernement Couillard.

Mine de rien, il s'agit d'un deuxième recul significatif du premier ministre conservateur, plus connu pour son entêtement que pour son sens du compromis.

Le premier a eu lieu plus tôt ce printemps, lorsque le gouvernement Harper a accepté de modifier son projet de loi sur la réforme électorale.

Cette fois, le mouvement de retrait est encore plus spectaculaire: après s'être fait refuser par la Cour suprême l'atterrissage en catastrophe d'un juge de la cour fédérale (Marc Nadon), Ottawa a demandé à Québec de lui fournir le nom de candidats acceptables et, surtout, admissibles.

Voilà qui tombe bien puisqu'un fauteuil occupé par un juge du Québec est libre et qu'un autre se libérera à la rentrée.

Il n'est pas garanti que le gouvernement Harper pige, en effet, dans les suggestions de Québec, mais l'appel à l'aide constitue néanmoins un revirement important.

Le premier signe de détente entre Québec et Ottawa, à la suite de l'élection d'un gouvernement fédéraliste majoritaire, pourrait donc se matérialiser par la nomination, à la plus haute cour du pays, de deux juges identifiés par le gouvernement québécois.

Vu l'empressement de Stephen Harper à imposer son choix douteux la dernière fois, on attendra évidemment le dénouement avant de conclure au retour de la bonne foi. Et puis, la sélection des nouveaux juges à la Cour suprême n'est qu'un des nombreux dossiers chauds entre les deux capitales.

On a bien vu, à l'époque où Jean Charest était premier ministre, que la présence d'un leader fédéraliste à Québec ne suffit pas à aplanir soudainement les tensions fédérales-provinciales.

Jean Charest s'est fait passer quelques sapins par le gouvernement Harper, dont la disparition du registre des armes à feu, la réforme des sanctions pour jeunes contrevenants, les tentatives de réformer le Sénat et bien d'autres.

En ce moment, le principal point chaud entre Québec et Ottawa, c'est la construction, avec péage, d'un nouveau pont pour remplacer Champlain. Le gouvernement Harper n'en démord pas: il y a aura un péage pour financer le nouvel ouvrage et le ministre responsable, Denis Lebel, ne se gêne pas pour dire à qui veut bien l'entendre qu'il ne comprend pas que Québec refuse de prendre, avec compensation, l'entière responsabilité des ponts «fédéraux» au Québec.

Autre test pour les relations Couillard-Harper: la candidature probable de Michaëlle Jean au poste de secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie. Le nom du successeur d'Abdou Diouf doit être annoncé au sommet de l'OIF en novembre, à Dakar, où se trouveront MM. Harper et Couillard.

Avant les dernières élections, Ottawa se plaignait que le gouvernement Marois mette du sable dans l'engrenage, par son opposition à la candidature de Mme Jean, une ancienne gouverneure générale du Canada. Cela, dit-on à Ottawa, aurait fait perdre du temps à Mme Jean, qui n'a toujours pas formellement annoncé sa candidature.

Il serait absurde que Michaëlle Jean se présente sans l'appui de son propre pays, ce qui veut dire, idéalement, avec l'appui du trio Ottawa-Québec-Nouveau-Brunswick.

Le nouveau gouvernement Couillard ne cache pas son enthousiasme envers Mme Jean, mais à Ottawa, le gouvernement Harper est frappé du syndrome «conseil de sécurité», cet organisme de l'ONU où le Canada avait lamentablement échoué à obtenir un siège en 2010, une première embarrassante en 40 ans.

Le Canada redoute de subir un nouvel affront, d'autant que la France, poids lourd de l'OIF, est plutôt froide à l'idée d'une candidature de Michaëlle Jean, dit-on, et que plusieurs pays africains veulent voir un des leurs diriger la Francophonie. La présence du Québécois Clément Duhaime au poste d'administrateur de l'OIF compliquerait par ailleurs la candidature de Mme Jean, elle aussi du Nord. (M. Duhaime vient de voir son mandat prolongé pour quatre ans).

Pour le moment, un candidat déclaré de l'île Maurice, aux confins de l'Afrique et de l'Asie, semble avoir une bonne longueur d'avance.

Le ministre responsable de l'ACDI, Christian Paradis, est favorable aussi à la candidature de Michaëlle Jean. En principe, Ottawa devrait se brancher d'ici la fin juin, mais aucun signal formel n'est encore venu du bureau du premier ministre.

Mme Jean a été nommée gouverneur général (en grande pompe!) par Paul Martin et il y a eu quelques accrochages avec le gouvernement Harper lors de son séjour à Rideau Hall.

M. Harper n'avait pas aimé que la GG le fasse poireauter pendant de longues minutes avant de le recevoir et d'accéder à sa demande de proroger le Parlement au moment où le tandem Stéphane Dion-Jack Layton (endossé par le Bloc de Gilles Duceppe) menaçait de prendre le pouvoir.

Mme Jean s'était aussi présentée à la cérémonie du 11 novembre en treillis militaire, ce qui n'avait pas plu au premier ministre.

Dénouement de cette histoire à Dakar, en novembre, ce qui ne laisse que six mois à Mme Jean pour mener campagne.