Tous les premiers ministres le disent: assembler un Conseil des ministres est une des tâches les plus difficiles qui leur soient dévolus, et c'est pourquoi ils y mettent temps et minutie.

Répartition équitable hommes-femmes (une priorité depuis que Jean Charest avait instauré la parité en 2007), représentation régionale, mélange de renouveau et d'expérience, incontournables et candidats-vedettes, les variables sont nombreuses et les erreurs peuvent être coûteuses.

Rappelez-vous Pauline Marois, qui avait dû remplacer Daniel Breton peu de temps après sa nomination à l'Environnement parce qu'on avait appris qu'il avait eu des démêlés avec le fisc et avec un ancien propriétaire de logement. Ou Stephen Harper, qui avait «accepté la démission» de Maxime Bernier, au prestigieux ministère des Affaires étrangères, parce que celui-ci avait oublié des documents secrets chez sa copine de l'époque.

À toutes ces variables s'ajoutent les enquêtes de sécurité habituelles sur les candidats ministres, normalement menées par la Sûreté du Québec (par la Gendarmerie royale du Canada à Ottawa). Ces années-ci, avec toutes les histoires de collusion, de corruption, de financement illégal, il faut toutefois plus, et les ministres pressentis doivent passer au confessionnal avant d'accéder au cabinet.

Avec la commission Charbonneau en toile de fond de cette victoire libérale (et plusieurs membres du gouvernement Charest), Philippe Couillard n'aura pas le choix, il devra s'assurer que ses collaborateurs vérifient deux et même trois fois plutôt qu'une les antécédents et possibles squelettes dans les placards.

Hier après-midi, lors de sa première conférence de presse, le premier ministre désigné a admis que ce qui se dit devant la commission Charbonneau aura nécessairement un impact sur la composition de son Conseil des ministres ou, du moins, sur les étapes de vérification.

M. Couillard insiste pour dire qu'une personne citée à comparaître, rencontrée ou même simplement nommée devant une commission d'enquête n'est pas automatiquement coupable. Vrai, mais aucun premier ministre ne veut courir le risque de voir un de ses ministres mis en cause.

De 2003 à 2005, en pleine commission Gomery, Paul Martin vivait dans la crainte permanente de voir un de ses ministres éclaboussé. En formant son cabinet, en 2004, il avait même écarté Denis Coderre, qui n'a jamais été blâmé dans le rapport Gomery, mais dont le nom alimentait régulièrement les rumeurs.

Philippe Couillard fera-t-il de même avec Sam Hamad, le député de Louis-Hébert, tout juste réélu, et dont le nom revient aussi souvent dans l'actualité? M. Hamad a été interrogé par les enquêteurs de la commission Charbonneau, et la firme pour laquelle il travaillait, Roche, est aussi au centre d'enquêtes.

M. Hamad n'est pas le seul. Yves Bolduc et Marguerite Blais ont été interrogés par les enquêteurs de l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Une perquisition a aussi été menée par cette même UPAC aux bureaux du Parti libéral (PLQ) à Montréal.

Par ailleurs, on a appris hier à la commission Charbonneau que les employés de 12 grandes firmes de génie ont versé près de 15 millions aux partis provinciaux entre 1998 et 2011, et que 15 entrepreneurs liés au ministère des Transports ont donné 2,3 millions à la même époque. La plus grande part de ces contributions serait allée dans les coffres du PLQ.

Y'a-t-il encore dans l'entourage du nouveau premier ministre des gens qui ont trempé dans le stratagème des prête-noms ou qui en étaient au courant? Si tel est le cas, il vaudrait mieux qu'il le sache, lui qui a encore promis hier un gouvernement intègre.

C'est embêtant de devoir écarter des députés, surtout des supporters de la première heure, mais ce serait peut-être, après tout, une belle occasion d'amener du sang neuf et de prendre ses distances vis-à-vis de l'ère Charest, ce que M. Couillard n'a pas fait clairement en campagne.

Morte, l'option?

Cela a commencé dès lundi soir, sur les réseaux sociaux, puis la nouvelle s'est répandue dans certains médias du reste du Canada: la déconfiture du Parti québécois (PQ) signifie la mort de l'option souverainiste.

L'empressement de certains à lire l'acte de décès relevait plus du fantasme que de la réalité.

Nouvel allié du fédéralisme à Québec, Philippe Couillard a voulu modérer leur ardeur.

«Une idée ne meurt jamais, et ne devrait jamais mourir.» Voilà pour la philosophie.

Pour la pratique, M. Couillard note ce que tout le monde a constaté lundi soir: le PQ ne semble plus avoir la capacité de réaliser cette idée, notamment en formant un gouvernement et en rassemblant les jeunes, jadis moteur du mouvement.