Dans les débats des chefs, comme dans toute émission de télé, si on veut maintenir l'intérêt des téléspectateurs, il faut une bonne accroche et une fin captivante.

Compte tenu de la tournure préréférendaire de la présente campagne, on attendait beaucoup du dernier segment d'hier soir, soit «question nationale et identité» ou, en termes plus clairs, référendum sur la souveraineté et Charte de la laïcité.

Pour l'accroche, c'était plutôt réussi. Les quatre chefs étaient bien préparés et prêts pour le combat. Mais ces quatre-là se connaissent trop bien et on avait souvent l'impression que ce débat était une annexe de l'Assemblée nationale (tout aussi cacophonique, mais un peu plus poli).

Pour la finale, on aura été quelque peu déçu. Encore là, c'est peut-être qu'on les a déjà beaucoup entendus débattre sur la place publique.

Pauline Marois n'est pas reconnue comme une grande débatteuse. En tant que première ministre sortante, elle devait s'élever au-dessus de la mêlée et convaincre les Québécois qu'elle mérite de rester au pouvoir, majoritairement, idéalement.

Mission accomplie? Elle a solidement tenu son bout, même si elle semblait parfois irritée. Elle a répété avec conviction sa ligne sur le référendum («Il n'y en aura pas tant que les Québécois ne seront pas prêts»). Sa réplique à M. Couillard à propos de Fatima Houda-Pepin était bien envoyée.

Le défi de Philippe Couillard était double: résister aux attaques en tant que meneur présumé de la course électorale, et faire bonne impression, lui dont c'était le premier débat.

Il s'en est sorti honorablement pour un novice en la matière.

Pour François Legault, la commande était de taille. Isolé par le débat préréférendaire, coincé derrière un mur d'indifférence, il devait hier soir à la fois passer son message, crier, en quelque sorte: «Moi aussi j'existe», sans toutefois paraître désespéré.

Le chef de la CAQ a bien fait (malgré une tension évidente) et il a fait mouche contre Mme Marois en parlant de taxe santé et de péréquation.

Comme en 2012 (le facteur nouveauté en moins, toutefois), la partie était, en théorie, plus facile pour Françoise David. Répéter son message, profiter de cette visibilité exceptionnelle pour motiver ses troupes.

Elle avait offert une très bonne prestation en 2012, et elle a remis ça hier soir.

Ce que ça change (ou pas)

Ce premier grand test de la campagne passé, il reste maintenant 17 jours avant le scrutin et un autre débat des chefs, la semaine prochaine, à TVA cette fois.

Les chefs se sont déjà échangé des flèches acerbes depuis le 5 mars, et le référendum, apparu avant même le début de la campagne, prend toute la place depuis l'arrivée de PKP.

Difficile de déclarer un vainqueur décisif du débat d'hier soir. Les quatre chefs ont été solides.

Convaincants? Ils ont rassuré leurs militants et aucun n'a trébuché, ce qui est déjà beaucoup. Mais je ne crois pas qu'ils aient réussi à élargir leur base électorale.

Les quatre chefs ont démontré compétence et maîtrise de leurs dossiers, mais un débat des chefs télévisé, c'est aussi le moment rêvé de se montrer inspirant. Meilleure chance la prochaine fois.

Le moment fort 

« L'intégrité, c'est aussi la cohérence. Vous avez donné l'espoir du changement, mais vous avez beaucoup déçu et c'est pour ça que vous avez été critiquée. » - Françoise David à Pauline Marois