A posteriori, on dirait bien que le député libéral Henri-François Gautrin est un prophète et qu'il a perçu, avant tout le monde, le miracle de Fatima.

Gagner 5% d'intention de vote en un mois à peine, c'est déjà phénoménal, mais grimper de 7% au sein de l'électorat francophone dans la même période, c'est, de mémoire, du jamais vu!

C'est ce que le Parti québécois de Pauline Marois vient de faire et les nouveaux chiffres dévoilés par CROP ne feront rien pour apaiser la fièvre électorale.

À moins d'être atteints d'une allergie incurable au bonheur, les stratèges péquistes ne pourront retenir un sentiment de douce euphorie devant de tels résultats.

Un score de 40% en général, et de 47% chez les francophones, si ça tient, c'est le passeport vers la majorité. Depuis les élections de septembre 2012, le PQ ne s'est même pas approché de tels chiffres. En prime, le taux de satisfaction envers le gouvernement est en hausse et Pauline Marois dépasse maintenant largement Philippe Couillard dans la catégorie «meilleur premier ministre».

Quel rapport avec Fatima? Le PQ grimpe partout, surtout dans la couronne de Montréal et dans sa région immédiate, un phénomène qui n'est peut-être pas étranger à l'expulsion de la députée Fatima Houda-Pepin du caucus libéral pour cause de désaccord sur le port de signes religieux.

C'est dans la couronne de Montréal, zone peuplée majoritairement de francophones présumés sensibles aux questions identitaires, que le PQ fait les gains les plus impressionnants, soit 11% en un mois.

Dans la «région métropolitaine de recensement» (514 et proche 450, près de 4 millions d'habitants), le Parti québécois gagne 9%. Ce n'est tout de même pas l'investissement public dans une cimenterie en Gaspésie ou même la décision (trop récente, de toute façon, pour être mesurée) de se lancer dans l'exploration du pétrole à Anticosti qui expliquent de tels gains!

Les libéraux ne perdent que 1% au total dans les intentions de vote, mais sombrent dans la couronne de Montréal (- 9%) et souffrent aussi dans le proche 450 (- 2%). Le seul endroit ils gagnent du terrain (un gain inutile puisque le PLQ est déjà en terrain conquis), c'est dans l'île de Montréal (" 5%), ce qui semble aussi démontrer une mobilisation des anglophones et des allophones contre le projet de charte de la laïcité du gouvernement Marois.

Alors, on s'en va en élections ou pas?

S'il vous restait l'ombre d'un doute, vous pouvez maintenant le chasser: nous aurons assurément un scrutin d'ici six semaines.

Tous les sondeurs et les stratèges vous le diront: les chiffres d'un sondage, même excellents, ne valent pas plus que le papier (ou l'écran!) sur lequel ils apparaissent. Ce qui compte, c'est la fameuse tendance. Or la tendance est favorable au PQ depuis maintenant neuf mois. Et défavorable à ses adversaires. Depuis sept mois: PQ: " 15%; PLQ: - 4%; CAQ: - 6%. Même Québec solidaire, stable depuis des mois, perd des plumes au profit du PQ (- 4%), ce qui limiterait sérieusement la possibilité de croissance du quatrième parti, surtout dans les coins francophones de Montréal.

Tout cela est réjouissant pour le PQ, qui pourrait, dit-on, déclencher des élections le 11 mars, ou peut-être même avant si la fièvre électorale devait encore monter. Mais il y a encore mieux pour les troupes de Pauline Marois, une formule magique, qu'on peut résumer ainsi: 27-16.

Explication: aux élections générales de septembre 2012, la CAQ de François Legault a récolté 27% (et 19 sièges), principalement dans la couronne où le PQ remonte en ce moment. Aujourd'hui, s'il faut en croire les sondages, la CAQ stagne à 16% dans l'électorat en général et à 17% chez les francophones.

Conclusion: non seulement la CAQ n'est plus compétitive, mais elle ne peut même plus diviser le vote. Champ libre au PQ dans des circonscriptions francophones historiquement hostiles aux libéraux et sensibles au débat identitaire.

Des circonscriptions arrachées par la CAQ en 2012 avec de faibles majorités (La Prairie: 75 voix; Saint-Jérôme; 897; L'Assomption; 1078; Montarville: 1908, par exemple) risquent fort de revenir dans le giron péquiste.

En rade, la CAQ aura du mal à attirer si rapidement des nouveaux candidats. Quant aux libéraux, en difficulté, ils sont en train de perdre leur pouvoir d'attraction auprès des candidats de choix qui trouveront subitement qu'une carrière politique n'est pas si attrayante, après tout.