À peine étions-nous arrivés dans la grande salle du huis clos budgétaire, au Centre des conférences d'Ottawa, que le titre du premier communiqué annonçait les couleurs : « Le ministre des Finances confirme le rétablissement de l'équilibre budgétaire en 2015 ».

C'est l'an prochain, juste à temps pour les élections, que ça se passera. En attendant, le budget 2014 dévoilé hier est une formalité, un passage obligé, un exercice sans grande imagination destiné à mettre la table en prévision du grand buffet du retour des surplus budgétaires, en 2015.

Le retour à l'équilibre budgétaire, le ministre Jim Flaherty nous l'annonce 7 fois en à peine 11 pages de son discours (même pas 3000 mots, sans doute un record de brièveté pour un texte du genre).

Plus les années passent (c'était le 10e budget Flaherty), plus les budgets ressemblent à des exposés généraux brossant le portrait économique du pays. Et à un catalogue des priorités gouvernementales sous forme de nouvelles expressions, comme « Apogée Canada », « Projet pilote souplesse et innovation » ou « Sceau rouge ».

Ce budget ne dit pas grand-chose pour 2014, mais il confirme les grandes orientations du gouvernement Harper et donne le ton pour la suite. Il annonce aussi quelques affrontements prévisibles avec Québec, notamment en matière de formation de la main-d'oeuvre et d'éducation postsecondaire.

Par exemple, ce nouveau programme intitulé « Apogée Canada », doté d'un important budget de 1,5 milliard sur 10 ans et destiné à la recherche dans les établissements postsecondaires, une initiative qui rappelle vaguement les fameuses Bourses du millénaire du gouvernement Chrétien.

Le budget Flaherty confirme par ailleurs l'intention d'Ottawa d'aller de l'avant avec sa « Subvention canadienne pour l'emploi » en 2014, un programme de formation de la main-d'oeuvre plutôt mal accueilli à Québec.

Peu importe, le fédéral n'attendra pas les provinces récalcitrantes. « Le gouvernement poursuit son étroite collaboration avec les provinces et les territoires en vue de la mise en oeuvre de la Subvention canadienne pour l'emploi et du renouvellement des ententes sur le marché du travail, lit-on dans les documents budgétaires. Pour ce qui est des administrations qui n'auront pas conclu d'ententes, à compter du 1er avril 2014, le gouvernement du Canada versera la Subvention canadienne pour l'emploi directement par l'entremise de Service Canada [...] ».

Ottawa affirme en outre avoir mené de « vastes consultations » auprès des employeurs, des syndicats et des établissements d'éducation, qui sont tous (devinez un peu !) d'accord avec le nouveau programme fédéral !

Il est plus que douteux qu'une entente avec le gouvernement du Québec soit conclue d'ici avril, et la décision d'Ottawa sera perçue par le gouvernement Marois comme une intrusion dans l'un de ses champs de compétence (le Québec a obtenu la maîtrise de la formation de la main-d'oeuvre à la fin des années 90 après des décennies de négociations avec Ottawa).

N'en déplaise à Québec, le gouvernement Harper garde le cap. Cela résume assez bien tout l'exercice, d'ailleurs.

À part cette vague intention de légiférer pour réduire les écarts de prix entre les mêmes produits vendus aux États-Unis et au Canada, il n'y a pas de surprises dans ce budget. Il annonce, entre les lignes, des baisses d'impôts dès l'an prochain, la poursuite de la réduction de l'appareil étatique, sauf à la Défense nationale, et des négociations corsées avec les fonctionnaires.

Le ministre Flaherty a l'intention de récupérer quelques milliards en réaménageant les régimes de retraite des fonctionnaires et poursuivra la rationalisation des effectifs dans la fonction publique. Un tableau particulièrement éclairant en la matière, intitulé « Gérer les coûts de rémunération », indique que le fédéral compte économiser un peu plus de sept milliards en six ans. (En comparaison, dans le même tableau, le ministre des Finances estime qu'il récupérera pour la même période 1,7 milliard en luttant contre l'évasion fiscale.)

Le gouvernement affirme, dans les documents budgétaires, avoir « très hâte » de commencer les négociations en vue du renouvellement des 27 conventions collectives le liant à ses employés. Cet empressement n'est probablement pas partagé par les syndicats.

Les partis de l'opposition, qui avaient préventivement dénoncé la maigreur de ce budget déposé au beau milieu des Jeux olympiques, n'ont évidemment pas été impressionnés par l'exercice.

Mais là encore, ce n'est pas 2014 qui compte, mais plutôt 2015. Quels sont les plans des néo-démocrates et des libéraux pour la prochaine ère de surplus budgétaires ? Que feraient-ils de différent ? Reviendraient-ils sur certaines décisions du gouvernement Harper ? Au-delà des prévisibles critiques, il leur faudra le dire d'ici les prochaines élections.