En entendant, la semaine dernière, la juge France Charbonneau suggérer à Michel Arsenault qu'il pouvait tout simplement dire la vérité, j'ai eu un flash de la fameuse scène de l'interrogatoire final dans le film A Few Good Men (Des hommes d'honneur, 1992).

Une version allégée, puisque Michel Arsenault n'a pas le charisme de Jack Nicholson ni son sourire ravageur, et la procureure Sonia Lebel n'a pas la fougue du jeune Tom Cruise.

Et puis, la vérité, dans le cas de la FTQ, est bien moins terrible que celle que crache finalement le colonel Jessep dans le film de Rob Reiner. Elle est même assez banale, finalement.

Dans A Few Good Men, on cherchait la vérité sur le meurtre d'un marine dans une base militaire, meurtre commis par des soldats sur ordre du colonel. Dans Arsenault chez Charbonneau, on cherchait la vérité sur des pressions politiques, sur du favoritisme, sur de possibles conflits d'intérêts, sur des deals et des cadeaux entre amis.

Si la culpabilité (assumée) du colonel Jessep ne fait aucun doute dans cette scène mémorable, la responsabilité de l'ancien boss de la FTQ dans des tractations douteuses et sa réelle influence semblent, elles, plutôt diluées. Rien, en tout cas, pour ébranler les colonnes du temple.

Dans une réplique désormais célèbre, Jack Nicholson lance à Tom Cruise: «You can't handle the truth» (Vous ne sauriez supporter la vérité!). Dans le cas de Michel Arsenault, ce n'est pas si lourd. Juste des histoires de chums, de tours de bateaux, de bijoux, de conversations crues, de favoritisme, de petits et grands règlements de comptes dans la grande tour de la FTQ, d'appels au premier ministre, de deals avec le mari d'une chef de parti...

Il y a toutefois tout un pan du témoignage de Michel Arsenault qui reste nébuleux, inquiétant: pourquoi cet entêtement à vouloir maintenir une structure décisionnelle et de gouvernance aussi douteuse au Fonds de solidarité de la FTQ? Douteuse dans le sens où s'entremêlent, dans un chassé-croisé incestueux, les intérêts des prêteurs, des représentants des travailleurs et des amis des entrepreneurs, qui sont le plus souvent les mêmes personnes. Des personnes, en plus, qui restent en poste durant des années, voire des décennies, au gré de tractations et d'échanges de bons services.

Un étudiant en science de la gestion de première année arriverait sans mal à démontrer que cette structure ne correspond pas aux critères modernes de gouvernance. Ce n'est pas un hasard si le commissaire Renaud Lachance, ex-vérificateur général à Québec, s'intéressait tant à cet aspect particulier dans ses questions.

Comme le colonel Jessep dans le film de Reiner, les sbires de la FTQ veulent d'abord et avant tout protéger et préserver leur système, leurs codes, leurs secrets, leurs affaires, qui fonctionnent très bien et dont personne ne devrait se mêler. «Le Fonds est un success story», «On donnait du rendement», a répété plusieurs fois l'ex-leader syndical, comme si le fait de diriger une institution rentable plaçait ses dirigeants dans une bulle inaccessible.

Ce que dit Michel Arsenault (et Jean Lavallée avant lui), c'est que nous ne pouvons pas comprendre ce système, que nous cherchons des coupables alors qu'ils n'ont fait que leurs devoirs et ont bien servi l'économie du Québec. Ça aussi, ça m'a rappelé A Few Good Men.

Nous ne sommes pas ici dans une scabreuse histoire d'homicide, évidemment. Du grattage de dos réciproque. Des amis qui brassent de grosses affaires entre eux et qui se partagent la tarte grâce à un système qu'ils croient infaillible. Mais de temps en temps, un subalterne rebelle ou un concurrent frustré sort des rangs et dénonce ce système, nous dévoilant un peu des secrets du code.

Sur le front politique, les deux principaux partis à Québec, le Parti québécois (PQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ), s'en tirent pour le moment sans trop de mal.

Il y a cette histoire de deal entre le Fonds et Claude Blanchet, le mari de Pauline Marois, mais le pouvoir d'influence de la FTQ sur la chef du PQ semble relever davantage du fantasme de son ancien dirigeant que de la réalité.

Il y a aussi cette conversation téléphonique entre Jean Charest et Michel Arsenault, sur un ton plutôt familier, mais tous les premiers ministres depuis Robert Bourassa entretiennent des rapports du genre avec les leaders syndicaux.

Le chèque d'un entrepreneur à l'association libérale de Sherbrooke? Réglo, selon les lois de l'époque. Pense-t-on sérieusement qu'on peut acheter un premier ministre et son gouvernement avec un don légal et public de 3000 $?

L'empressement de Philippe Couillard à prendre la défense de son ancien chef démontre toutefois qu'en cette période d'agitation préélectorale, l'ombre de la commission Charbonneau plane lourdement sur les partis politiques.