La métaphore est peut-être un brin ostentatoire, mais il faut bien reconnaître, après toutes ces années et tous ces coups durs, que la carrière publique d'André Boiclair a de plus en plus des allures de chemin de croix.

Qu'il était fier, le jeune Boisclair, en 1996, lorsqu'il avait accédé au Conseil des ministres dans le gouvernement de Lucien Bouchard! Fier, mais un brin arrogant et, surtout, très imprudent.

À l'époque, ses adversaires, surtout ceux de son propre parti, lui reprochaient ses envolées, ses effets de toge, bref, on l'accusait souvent de jeter de la poudre aux yeux.

Près de 20 ans plus tard, c'est plutôt la poudre qu'il se mettait occasionnellement dans le nez qui continue de le hanter. On a beau être très tolérant, donner la chance aux coureurs, un ministre qui consomme de la cocaïne, ça passe mal.

Je me souviens de ce vieux militant péquiste de la région de Trois-Rivières, lors de la campagne électorale de 2007, qui m'avait dit: «Tu sais, qu'il soit homosexuel, on s'en fout, parce qu'il y a des homosexuels dans toutes les familles, mais la drogue, il y a bien des familles qui ont été démolies à cause de ça.»

En 2005, à l'époque de sa course à la direction du Parti québécois, contre, notamment, Pauline Marois, André Boisclair avait dû répondre à toutes sortes de questions lancinantes sur sa consommation passée de cocaïne. Déjà, certains disaient qu'il avait peut-être été en contact avec le crime organisé, ce qui risquait de lui attacher les mains s'il devait un jour accéder à de plus hautes fonctions.

Jacques Duchesneau, un ancien policier qui a lui-même passé les menottes à un ancien supérieur parce que celui-ci était passé du «côté obscur» et revendait de la coke saisie par la police de Montréal, connaît très bien l'impact dévastateur de l'amalgame autorité-drogue-crime organisé.

L'échafaudage bancal de soupçons de Jacques Duchesneau à l'endroit d'André Boisclair ne résiste pas à l'analyse. La consommation avouée de coke de M. Boisclair est largement antérieure à la subvention accordée (même pas à l'entrepreneur Paul Sauvé, mais à l'Église unie) et, surtout, antérieure à l'arrivée des Hells Angels dans l'entreprise de ce dernier.

Se pourrait-il, malgré tout, qu'il y ait eu des liens, des chassés-croisés incriminants entre André Boisclair, Paul Sauvé et des fournisseurs de drogue? À première vue, cela semble tiré par les cheveux, mais chose certaine, c'est à l'accusateur de fournir des preuves, pas à l'accusé.

Le député de la Coalition avenir Québec (CAQ) Éric Caire, à la défense de Jacques Duchesneau, disait la semaine dernière que son collègue s'excusera si André Boisclair peut prouver qu'il achetait sa cocaïne d'une source légale. Come on!

Tout le monde sait que la coke n'est pas offerte en vente libre chez Jean-Coutu. Il en va de même pour toutes les drogues illégales. M. Caire va-t-il demander à tous ses collègues députés qui ont déjà fumé un joint de donner le nom de leur pusher?

Faire le lien entre consommation de drogue et accointances avec le crime organisé est tellement facile que ça en devient cheap.

Jusqu'à preuve du contraire, André Boisclair est victime de manoeuvres politiques douteuses, voire de salissage, mais aussi curieux que cela puisse paraître, c'est lui qui doit se défendre.

Il le fera tout en touchant son salaire de délégué du Québec à New York, mais assumera lui-même ses frais juridiques, dit-on à Québec.

La cause peut être longue, très longue même, si bien qu'on peut penser qu'André Boisclair ne retournera pas dans la Grosse Pomme.

Selon le ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée, patron de M. Boisclair, le gouvernement aurait préféré qu'il continue son travail à New York.

C'est lui qui a décidé de se retirer, dit-on à Québec, et non le gouvernement qui lui a demandé de se tasser, ne serait-ce que quelques mois pour laisser passer les élections. Peut-être, mais le gouvernement aurait très bien pu convaincre André Boisclair de rester en poste en l'assurant de son appui.

L'histoire lancée par Jacques Duchesneau serait vraisemblablement morte de sa belle mort, faute de preuves promises par le député de la CAQ.

Mais le gouvernement, en ne défendant pas vertement son délégué, ne l'a-t-il pas condamné de facto?

André Boisclair, crispé, austère, seul dans une salle morne d'un hôtel de Montréal, a lu hier un communiqué avant de tourner les talons sans prendre de questions. Il a dit, notamment, qu'il était victime d'une joute politique.

Difficile de le contredire.

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