Dans le jargon politique, on appelle cela un sideshow, qu'on pourrait traduire par distraction, un phénomène craint par tous les stratèges en campagne électorale parce qu'il a, comme son nom l'indique, la capacité d'éclipser l'essentiel d'un message au profit de l'anecdote et de l'accessoire.

Pourtant, en cette période d'effervescence préélectorale, la scène politique québécoise, en particulier l'Assemblée nationale, s'est transformée en festival du sideshow!

Un jour, ce sont les libéraux et leur chef, Philippe Couillard, qui sont sur la sellette à cause d'une autre descente de l'UPAC. Le lendemain, ce sont les nominations au Conseil du statut de la femme par le gouvernement Marois, et les réactions qu'elles provoquent, qui prennent toute la place. Jusqu'à ce qu'une députée de l'opposition, exaspérée, lance une grossièreté en Chambre à la première ministre.

On n'a même pas fini d'en parler que tombe une nouvelle histoire croustillante, impliquant cette fois un ancien ministre péquiste qui aurait donné une subvention à un ami en pleine campagne électorale. Nouveau rebondissement, quelques heures plus tard, lorsque l'accusateur de cet ex-ministre met les pieds dans le plat en échafaudant une histoire bancale de contrats, de cocaïne et de Hells Angels. Et nous n'étions alors que jeudi soir!

Ouf, c'est bon, n'en jetez plus, la cour est pleine!

C'est divertissant, mais où sont les vrais enjeux, les débats sur les orientations budgétaires, par exemple, les questions sur les pipelines, sur la prospection pétrolière ou sur l'exploitation des ressources naturelles, les taxes scolaires, et j'en passe?

Derrière le brouhaha des distractions et du positionnement électoral, on étudie, en effet, des sujets pas mal plus importants à l'Assemblée nationale. Ces jours-ci, on dissèque les projets de loi sur le régime minier, sur les soins de fin de vie. On se penche aussi sur l'épineuse question de la capitalisation des régimes de retraite.

Bon, je sais, «capitalisation des régimes de retraite», ça sonne nerd à lunettes, c'est moins sexy qu'une spectaculaire prise de bec ou qu'un amalgame ancien-ministre-coke-subvention-motards, mais cela aura néanmoins beaucoup plus d'impact sur la vie des Québécois à long terme.

Vous me direz que c'est la faute des médias, qui préfèrent les sideshows aux dossiers de fond. En fait, les médias reflètent l'ambiance à l'Assemblée nationale. Et cette ambiance est délétère par les temps qui courent.

Vous pouvez lire régulièrement d'excellentes analyses sur les régimes de pension ou sur les projets de politique énergétique dans La Presse Affaires, notamment, et des textes sur la Charte des «valeurs québécoises» dans le cahier A, mais les correspondants parlementaires et les chroniqueurs couvrent aussi la joute politique qui, en cette période agitée, prend beaucoup de place.

Cette ambiance ultra-partisane à Québec a fait au moins deux victimes en ce début de session parlementaire.

La première victime: la volonté des différents partis de faire fonctionner l'Assemblée nationale, malgré la présence d'un gouvernement minoritaire. Évaporé, le désir de travailler en collaboration pour les intérêts de tous les Québécois.

Avez-vous remarqué que plus personne à Québec ne parle de ça, à part Françoise David, la députée la plus constructive de l'Assemblée nationale?

Autant à Québec qu'à Ottawa, au cours de la dernière décennie, les partis de l'opposition et les gouvernements ont connu une période de 18 à 24 mois de collaboration. Ou à tout le moins, de tentatives de collaboration.

Cette fois, à Québec, après seulement 12 mois de gouvernement minoritaire péquiste, les principaux partis n'y croient visiblement pas, envoyant clairement le message que des élections à court terme sont inéluctables.

Deuxièmes victimes: le fair-play et le respect entre parlementaires.

Il est rare, si tôt dans la session parlementaire, si tôt dans le mandat d'un nouveau gouvernement, de sentir autant d'animosité entre les élus.

Cela rappelle les pires moments Charest-Marois, lorsque les deux chefs avaient même refusé de se serrer la main et de se souhaiter bonnes vacances à la fin d'une session! Sauf que cette fois, nous n'en sommes qu'à la deuxième semaine de la présente session.

Vont-ils finir par se taper sur la tronche au beau milieu du Salon bleu, sous l'indélogeable crucifix?

L'épisode disgracieux impliquant Christine St-Pierre (mortifiée par sa propre conduite!) démontre bien la détérioration rapide et apparemment irrémédiable de l'atmosphère.

J'ai été témoin d'un autre échange acerbe, jeudi soir, sur le plateau de Bazzo.tv, entre le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, et le député-vedette de la CAQ, Jacques Duchesneau, les deux assis à côté de moi.

En s'asseyant à la table, M. Duchesneau tourne le dos à M. Blanchet; il me serre la main, salutations d'usage et il me dit qu'il va très bien. Yves-François Blanchet lui balance du tac au tac: «On n'a pas la même définition d'aller très bien!» Et le caquiste de répliquer: «Vous, les péquistes, vous avez la peau pas mal mince!»

Marie-France Bazzo garde toujours son studio très frais, question de rester alerte pendant l'enregistrement de 90 minutes, mais jamais n'avait-il encore fait si froid sur ce plateau!

Correction

J'ai écrit, dans une chronique publiée mercredi, que le gouvernement Marois n'avait pas invité de membres de l'opposition officielle à la soirée du 50e de la Place des Arts, il y a quelques jours. Information erronée, puisque les invitations ont bel et bien été envoyées, mais par la direction de la PDA, qui tient ici à réitérer son indépendance face au gouvernement.

Mes excuses pour l'inexactitude.