Il y a quelques semaines, dans la foulée du dévoilement du projet de charte des «valeurs québécoises», j'ai suggéré que Pauline Marois s'inspirait des méthodes de Stephen Harper pour diviser l'électorat, ce qui m'a valu une volée de bois vert de quelques militants et de conseillers péquistes.

Au risque de crouler sous une nouvelle corde, j'ajouterai que Mme Marois s'inspire du chef conservateur non seulement pour la manipulation d'enjeux délicats à des fins électoralistes, mais aussi pour contrôler la machine gouvernementale et les médias. En fait, on dirait bien qu'elle a adopté plusieurs chapitres du petit guide de M. Harper.

Les nominations partisanes dans les organismes gouvernementaux indépendants semblent malheureusement relever d'une indécrottable habitude dans nos capitales. Sous Stephen Harper, ces nominations sont de plus en plus souvent dictées par des accointances idéologiques servant à promouvoir l'ordre du jour gouvernemental. Et lorsqu'un organisme n'est plus "aligné" avec le pouvoir, on lui coupe les vivres, on le muselle ou, plus radical encore, on l'abolit. Droit et démocratie, entre autres organismes, a goûté à cette médecine, au cours des dernières années à Ottawa, sous le régime Harper.

À Québec, tous les gouvernements, peu importe leur couleur, nomment aussi des dirigeants d'organismes en fonction de certaines affinités politiques, mais la soudaine nomination de quatre nouvelles membres du Conseil du statut de la femme en lien direct avec leur position sur le sujet chaud de l'heure pousse plus loin le bouchon de la partisanerie. Nous sommes ici, clairement, dans le domaine de l'ingérence politique, en plein Harperland.

Le gouvernement Marois, comme celui de M. Harper, semble aussi vouloir bâillonner ou ignorer les organismes dissidents, comme il le fait en isolant le Comité des affaires religieuses, rattaché au ministère de l'Éducation.

Comme le gouvernement Harper, celui de Mme Marois glisse vers une mentalité de bunker, isolant les partis de l'opposition par pure mesquinerie, au point d'oublier le décorum et la nécessaire séparation entre institutions et partis.

Quelques exemples. Il y a quelques jours, aucun élu du PLQ n'a été invité aux célébrations du 50e anniversaire de la Place des Arts, une institution créée sous un régime libéral. Cheap.

Cela rappelle un peu l'attitude du gouvernement Harper, qui a "oublié" d'inviter Marc Garneau, ancien astronaute devenu député libéral, à l'inauguration d'une exposition sur le bras canadien.

Les péquistes ont eux aussi dénoncé avec raison des "oublis" du précédent gouvernement libéral par le passé. Jean Charest s'était toutefois montré beau joueur, lors de l'inauguration de la Grande Bibliothèque, laissant toute la place à Lucien Bouchard, qui avait lancé le projet.

On verra bien si le bureau de Pauline Marois fera une place au chef libéral, Philippe Couillard, lors de l'inauguration prochaine du centre de recherche du CHUM, mais pour le moment, le carton d'invitation n'est toujours pas arrivé.

Marguerite Blais, pour sa part, a dû quémander en vain une place, la semaine dernière, lors d'un événement de la première ministre dans son circonscription, et ses collègues de Jeanne-Mance et d'Anjou, eux, n'ont pas été invités à l'annonce du prolongement de la ligne bleue, la semaine dernière.

Même sort pour le député libéral de Mégantic, Ghislain Bolduc, systématiquement tenu à l'écart des conférences de presse et des annonces à Lac-Mégantic.

La tentation de la mainmise absolue s'est répandue aussi à d'autres secteurs. Rappelons, par exemple, que le gouvernement Marois a bloqué l'arrivée de l'ex-ministre libérale Line Beauchamp à la Société des célébrations du 375e. Après avoir prestement nommé André Boisclair délégué du Québec à New York, le gouvernement a aussi songé à démettre l'ex-députée libérale France Dionne (déléguée à Boston) et même Christiane Pelchat (Mexico), dont on parle beaucoup ces jours-ci.

En toute justice pour le gouvernement Marois, il faut toutefois préciser que tous les gouvernements à Québec nomment des délégués fidèles à leurs priorités. Les libéraux, par exemple, tolèrent mal des délégués souverainistes en poste à l'étranger.

La première ministre Marois semble, par ailleurs, avoir adopté une autre habitude du gouvernement Harper: limiter l'accès des médias et restreindre leur champ d'action.

Depuis quelque temps, la première ministre limite le nombre de questions des journalistes de la tribune parlementaire et ne répond qu'aux questions touchant le «sujet du jour».

Son entourage a aussi tenté, en vain, de repousser physiquement les reporters dans les couloirs de l'Assemblée nationale en les tenant derrière une ligne verte plus restrictive.

«On ne veut pas contrôler les médias, juste le message», se défend-on dans l'entourage de Mme Marois. Subtil!

Heureusement, Pauline Marois a encore des croûtes à manger pour rejoindre Stephen Harper en matière de contrôle de médias.

Pour le moment, on sait encore à Québec, contrairement à Ottawa, où et quand se réunit le Conseil des ministres. En outre, l'entourage de Pauline Marois n'exige pas (encore?) des journalistes qu'ils s'inscrivent sur une liste pour avoir le droit de poser une question et il ne demande pas aux gardes du corps d'expulser les vilains qui osent défier cette liste

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