On ne pourra pas dire que Philippe Couillard a déployé des efforts surhumains pour gagner la course à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ), menant une campagne prudente et entendue. Mais nous pourrons rapidement juger ses talents de leader, parce que les défis qui se dressent devant lui sont aussi nombreux qu'épineux.

D'abord, comme tout nouveau chef élu au terme d'une course, il devra ressouder la famille. Chez les libéraux, l'esprit de corps et la discipline sont devenus, sous Jean Charest, une marque de commerce qui leur a permis de résister si longtemps aux assauts de l'opposition et aux scandales.

Ses deux adversaires, Pierre Moreau et Raymond Bachand, se sont rapidement ralliés, mais à voir leurs nombreux partisans sortir précipitamment de l'Auditorium de Verdun une fois le vainqueur connu, le nouveau chef devra être convaincant pour ramener ces militants au bercail.

Première mission: unir le caucus de 50 députés, qui était divisé en trois parties à peu près égales.

Que fera M. Couillard, notamment, de Raymond Bachand si celui-ci décide de rester jusqu'aux élections? Meurtri par un score désastreux (troisième avec 19,5 %) et considéré par le clan Couillard comme le responsable des attaques contre le nouveau chef, M. Bachand ne semble pas promis à un avenir très lumineux dans ce nouveau régime.

Le sort de Pierre Moreau est plus enviable. Parlementaire et tribun efficace, il pourrait rendre de précieux services à M. Couillard et agir comme agent unificateur post-course.

Heureusement pour Philippe Couillard, sa victoire est nette, ce qui lui donne les coudées franches pour constituer sa nouvelle équipe parlementaire.

Les courts discours de ralliement de MM. Moreau et Bachand étaient certes gracieux, mais il s'est dit beaucoup de choses peu flatteuses envers le nouveau chef dans leur camp respectif au cours des dernières semaines.

Les organisateurs et partisans de Raymond Bachand, en particulier, ont rappelé ad nauseam au cours des derniers jours les liens entre M. Couillard et Arthur Porter. On a aussi entendu ses détracteurs critiquer son manque de loyauté envers Jean Charest, et ils lui reprochent d'être froid et arrogant. On m'a même dit qu'il est entouré de conseillers faibles qui n'ont rien fait qui vaille sous Jean Charest!

M. Couillard devra aussi décider s'il tente de gagner un siège prochainement ou s'il préfère attendre les prochaines élections. Ne pas avoir de siège pour le moment lui permet de travailler sur le terrain, en faisant une tournée régionale, par exemple, mais il ne pourra donner la réplique au quotidien au gouvernement Marois.

Enfin, dans la liste des choses à faire: préparer la prochaine campagne électorale et regarnir les coffres du parti, recruter des militants et des candidats, ce qui s'annonce ardu vu l'état du PLQ.

Le PLQ aura besoin, plus tôt que tard, d'un nouveau programme. Le défi pour son nouveau chef est de passer des concepts théoriques, dans lesquels il excelle, à la réalité fiscale et politique.

Il lui faudra, par exemple, détailler sa vaste réforme de la fiscalité promise pendant cette course.

Le verra-t-on, en outre, s'aventurer sur la patinoire constitutionnelle, lui qui a parlé dimanche de «l'affirmation du Québec dans un Canada meilleur» et laissé entendre, au cours des derniers mois, qu'il souhaite relancer des pourparlers constitutionnels avec le ROC?

J'ai l'impression que cette question ne se retrouvera pas très haut dans sa liste des priorités, mais ses adversaires péquistes ne se priveront pas de le lui rappeler.

Style radicalement différent

Jean Charest a été très présent à ce congrès, rappelant aux militants libéraux sa fougue et ses talents d'orateur. Il était d'ailleurs sur la scène pour accueillir son successeur. Mais les délégués libéraux ont élu un nouveau leader au style radicalement différent.

M. Charest, contrairement à M. Couillard, n'a fait que de la politique dans sa vie professionnelle et il n'a jamais hésité à attaquer de front ses adversaires, sautant dans le ring avec un enthousiasme à la Georges St-Pierre.

Philippe Couillard, lui, affirme vouloir rester au-dessus des joutes partisanes et des attaques personnelles, ce qu'il a réussi dans cette course. On verra, dans le feu de l'action quotidienne, si les résolutions tiennent le coup.

Au sein même de son parti, on craint que les relations passées de M. Couillard avec le controversé Arthur Porter ne donnent des munitions aux autres partis, ce qui rendrait le nouveau chef vulnérable.

«Raymond Bachand a posé deux questions à Philippe Couillard à propos de Porter, mais le PQ et la CAQ vont en poser 45!» a avancé un organisateur libéral.