La première course à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ) en 30 ans se terminera demain à Verdun comme elle a été menée au cours des cinq derniers mois: sans grand éclat.

L'horaire de ce rarissime congrès à la direction du PLQ est plutôt léger. Aujourd'hui, rien avant 17 h, moment où les libéraux rendront hommage à Jean Charest. Petit laïus du chef intérimaire, Jean-Marc Fournier, suivi de Jean Charest lui-même, et le tout devrait être terminé à 19 h.

Comme le congrès se tient dans un coin excentré (l'auditorium de Verdun) et que les délégués seront éparpillés à la maison, à l'hôtel ou chez des amis plutôt que d'être regroupés dans un centre de congrès au centre-ville avec hôtel adjacent, il sera difficile pour les organisateurs des trois candidats de regrouper les partisans ou d'entrer en contact avec ceux de leurs adversaires.

La grande question - outre le nom du prochain chef, qui sera connu demain au plus tard en début de soirée - est de savoir combien de militants se seront déplacés pour l'événement. Il pourrait y en avoir jusqu'à 3000 (125 circonscriptions multiplié par 24 délégués), mais on sait d'ores et déjà que le PLQ ne fera pas salle comble, car plusieurs circonscriptions ont été incapables de réunir leurs 24 délégués. À surveiller, en particulier, le nombre de jeunes délégués, traditionnellement très actifs dans les instances du parti.

La constitution du PLQ accorde un tiers des votes aux jeunes (moins de 26 ans), mais ils ne seront certainement pas 1000 puisque le recrutement a été ardu dans plusieurs régions (les circonscriptions sont tenues d'élire quatre jeunes femmes et quatre jeunes hommes).

Une fois la page Jean Charest officiellement tournée, il restera aux militants libéraux à choisir le nouveau chef. Selon toute vraisemblance, Philippe Couillard devrait l'emporter, peut-être même au premier tour, affirment plusieurs libéraux. Les congrès, toutefois, réservent parfois des surprises. Si M. Couillard n'arrive pas à décrocher plus de 40% au premier tour, qui sait ce qui pourra arriver au second.

Ses adversaires, en particulier Raymond Bachand, croient qu'un revirement est possible, surtout que le nom d'Arthur Porter est revenu hanter Philippe Couillard cette semaine, dans les derniers jours de cette longue course de cinq mois.

Le fait, d'ailleurs, que le principal enjeu et le sujet de conversation de cette course soient, après des mois de débat, le degré d'amitié entre MM. Porter et Couillard et la nature de leur relation d'affaires en dit long sur le peu de substance et de passion généré depuis octobre.

Ces histoires de relations Couillard-Porter ne suffiront peut-être pas à couper l'élan de l'ancien ministre de la Santé vers la direction du PLQ, mais elles laisseront des traces une fois qu'il aura été élu.

Au fil des semaines, M. Couillard a encaissé sans broncher les allusions (surtout celles de Raymond Bachand), mais quelque chose est maintenant brisé entre son ancien collègue et lui. Dans le camp Couillard, on est persuadé que les récentes informations concernant Arthur Porter, comme les discours élogieux et les photos de parties de pêche, ont été déterrées par le clan Bachand, qui y voyait sa dernière chance.

On sait, c'est un secret de Polichinelle, que Raymond Bachand ne restera pas très longtemps député d'Outremont sous la gouverne probable du nouveau chef Couillard, et on dit même que celui-ci a déjà réservé ce château fort à l'un de ses partisans, Alain Paquet, ex-député de Laval-des-Rapides battu en septembre par le péquiste Léo Bureau-Blouin.

Pierre Moreau est en meilleure posture en cas de victoire de Philippe Couillard. Il s'est (un peu) accroché avec lui lors des débats, mais rien de sérieux. M. Moreau aura réussi, en outre, à démontrer au cours des derniers mois qu'il représente une valeur sûre dans un caucus et, peut-être un jour, dans un cabinet.

Aucun des trois candidats n'est arrivé à se démarquer de façon décisive avec un programme, des idées fortes ou une vision pour le PLQ et le Québec, se contentant plutôt de généralités du genre: «On doit redonner la parole aux militants.»

Philippe Couillard en particulier, sauf lorsqu'il a été poussé à répondre à des questions très précises, s'en est tenu à de vagues principes. Il faudra plus pour relancer le PLQ, d'autant plus que les autres partis ne se priveront pas de rappeler son amitié (reniée) avec Arthur Porter.

Raymond Bachand, quoi qu'il advienne, peut terminer cette course la tête haute. Il aura réussi à charmer plusieurs militants par son discours coloré et par une approche chaleureuse qui en a surpris plus d'un.

Il s'en tire aussi très bien, au final, côté financement.

À eux trois, les candidats n'ont même pas amassé 1 millionde dollars (973 000$, ce qui en dit long sur la désaffection des donateurs). Philippe Couillard finit en tête, mais M. Bachand est bon deuxième, pas très loin, grâce à une récolte importante au cours des deux derniers mois. Les chiffres: Couillard, 442 000$, Bachand, 354 000$, et Moreau, 176 000$ (tous loin du plafond autorisé de 600 000$).

Ce qui frappe, c'est que M. Bachand a doublé sa cagnotte de janvier à aujourd'hui, alors que la campagne Couillard s'est essoufflée après un fort départ. Ça ne garantit évidemment pas la victoire, mais ça permet des lendemains de défaite un peu moins pénibles.

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