Gérald Tremblay et Gilles Vaillancourt ont abandonné leur poste dans le déshonneur, mais pas dans le dénuement, eux qui auront droit à une «allocation de départ» et à une «allocation de transition» valant, respectivement, environ 160 000$ et 225 000$.

La loi sur la rémunération des élus municipaux prévoit en effet qu'un élu qui démissionne (ou qui est battu aux élections) a droit à une allocation de départ équivalant à deux semaines de salaire par année de service (jusqu'à concurrence d'un an), ce qui veut dire, grosso modo, un chèque de 70 000$ pour M. Tremblay et de 120 000$ pour M. Vaillancourt.

La loi les autorise aussi à toucher une «allocation de transition» (équivalant à un maximum de huit mois de salaire) de 90 000$ pour l'ex-maire de Montréal et de 105 000$ pour son ancien collègue de Laval.

À Montréal, comme à Laval, on confirme que le versement de ces allocations est automatique et respecte tout simplement la loi sur le traitement des élus municipaux.

Évidemment, MM. Tremblay et Vaillancourt ne sont accusés de rien, ils sont partis, en principe, de leur propre gré et ils ont droit, comme tous les autres, à ces indemnités, mais pour bien des électeurs échaudés, cette nouvelle sera aussi agréable que le son des ongles sur un tableau noir.

La loi, c'est la loi. Après tout, si le gouvernement du Québec n'a pas le pouvoir de pousser un maire vers la sortie, il peut encore moins le priver d'indemnités dûment gagnées.

De toute façon, Québec ne veut surtout pas toucher à ces indemnités puisque cela l'obligerait aussi à revoir le généreux régime d'allocations des députés de l'Assemblée nationale.

En fait, Québec marche toujours sur des oeufs en matière d'affaires municipales. Le gouvernement du Québec ne peut, apparemment, intervenir pour destituer un maire croche; il ne peut pas imposer une tutelle, à moins que le conseil municipal soit totalement dysfonctionnel; il hésite à exiger des comptes. Le nouveau gouvernement Marois, qui a pourtant fait du ménage et de l'éthique son cheval de bataille, refuse d'étendre sa nouvelle loi sur le financement des partis politiques au monde municipal. Allez comprendre...

Quiconque a passé ne serait-ce que quelques minutes à écouter la commission Charbonneau aura compris que le monde municipal, c'est le far west du financement politique.

On dit souvent, ce qui est légalement et constitutionnellement exact, que les municipalités sont des créatures du gouvernement du Québec. De toute évidence, certaines de ces créatures sont devenues des monstres et elles ont été abandonnées par leur maître, le gouvernement du Québec.

Comment expliquer, par exemple, que personne, à Québec, n'ait vu ou entendu parler des dépassements de coûts chroniques graves des grands chantiers à Montréal?

Un rapport écrit fait état de dépassements de 30 à 40% et aucun ministre des Affaires municipales n'a jamais rien vu ou entendu à Québec?

C'est d'autant plus invraisemblable que ces grands travaux sont souvent financés conjointement avec Québec (et parfois aussi avec Ottawa) et que les entrepreneurs capables d'exécuter de tels contrats sont très peu nombreux et obtiennent aussi des contrats de Québec. Est-ce à dire que les magouilles institutionnalisées à Montréal et à Laval avaient cours aussi au gouvernement du Québec, au ministère des Transports, notamment?

Comment se fait-il, par ailleurs, que personne, au gouvernement du Québec, n'ait été alerté par toutes ces allégations de manigances à Laval, troisième ville en importance du Québec?

En fait, tout le monde à Québec était au courant des rumeurs lavalloises. La vraie question, donc, serait plutôt de savoir pourquoi personne à Québec n'est intervenu auprès de l'administration Vaillancourt.

Lorsque Serge Ménard a déclaré avoir refusé une enveloppe pleine d'argent des mains de Gilles Vaillancourt, tout le monde a salué son honnêteté. Soit, mais le fait est que cette nouvelle ne serait vraisemblablement jamais sortie si un collègue de Radio-Canada n'avait pas interrogé M. Ménard. Qu'ont fait M. Ménard et ses collègues pour pincer le maire Vaillancourt lorsqu'ils étaient au pouvoir à Québec? Idem pour l'ancien député libéral de Laval Vincent Auclair, qui dit avoir lui aussi reçu une offre d'enveloppe bien garnie.

M'est avis qu'il est plus commode de regarder ailleurs, qu'il est plus facile de ne pas se mettre le nez dans les affaires des villes. Moins risqué, aussi.

Le plus cocasse de l'affaire, c'est que pendant des années, Gilles Vaillancourt a été porte-parole de la Fédération canadienne des municipalités et qu'à ce titre, il réclamait haut et fort des milliards d'investissements de Québec et d'Ottawa dans les infrastructures publiques! Il y a quelques années, des rumeurs persistantes l'envoyaient chez les libéraux de Paul Martin, où on le destinait évidemment à un poste de ministre.

Gilles Vaillancourt a préféré rester à Laval, son royaume, où personne n'osait mettre le nez, surtout pas Québec.

Cela a commencé à changer hier, avec l'annonce, par le ministre Sylvain Gaudreault, de l'envoi d'un vérificateur mandaté par Québec pour surveiller ce qui se passe à Laval.

Il est un peu tard, toutefois, pour commencer à surveiller la «créature» Laval.

vincent.marissal @lapresse.ca