On n'a toujours pas entendu une seule idée significative de Denis Coderre pour la ville de Montréal, mais celui-ci a poursuivi hier soir sa longue campagne de relation publique précandidature à la mairie.

Sans même être officiellement candidat, ce qui n'arrivera pas avant plusieurs mois, M. Coderre continue de s'imposer comme le successeur naturel de Gérald Tremblay à la tête de Montréal.

L'intérêt de M. Coderre pour la mairie de Montréal était déjà le secret le moins bien gardé depuis des mois, il est en train de devenir un véritable running gag dans les milieux politiques, médiatiques et même au sein de la population montréalaise.

Les élections municipales n'auront lieu que dans un an et il est loin d'être certain que M. Coderre puisse poursuivre sa campagne fantôme pendant des mois encore, mais pour le moment, la formule le sert à merveille.

Prétendant bien en vue sans être candidat officiellement, Denis Coderre jouit du meilleur des deux mondes: une grande visibilité médiatique qui incruste son nom dans l'esprit des électeurs sans toutefois avoir la responsabilité de se mouiller, de réagir et de proposer des solutions pour soigner les maux de Montréal.

En plus, M. Coderre continue de toucher son salaire de député fédéral, il garde son bureau dans sa circonscription, son réseau politique et organisationnel. C'est tout bénéfice. Même pas besoin de payer pour de la pub ou des sondages, les médias le font pour lui!

L'éclatement prévisible du parti de Gérald Tremblay fait aussi l'affaire de M. Coderre, qui espère que les naufragés d'Union Montréal monteront dans son bateau.

Preuve que Denis Coderre joue sur les deux tableaux, il avait convié hier soir ses partisans et invités à une célébration de ses 15 ans de vie parlementaire à Ottawa, alors que l'anniversaire de sa première élection, en 1997, est en juin et qu'il l'a déjà souligné le printemps dernier lors d'une soirée au Musée des beaux-arts.

«Oui, mais là, c'est pas pareil, c'est pour les électeurs de mon comté», m'a-t-il expliqué cette semaine.

Ce n'était donc pas une activité de campagne municipale, mais bien un rassemblement pour un député fédéral. Mais parmi les 1200 personnes réunies hier soir, plusieurs personnalités politiques n'étaient pas là pour souligner ses 15 ans aux Communes, mais bien pour démontrer qu'il pourrait être un maire rassembleur.

Vrai, Denis Coderre organise un souper spaghetti chaque année, mais celui d'hier soir était son dernier comme député de Bourassa et tout le monde le savait fort bien dans la grande salle du Buffet Renaissance.

Prochaine étape, donc, campagne municipale, mais pas avant avril, du moins pas officiellement, puisque M. Coderre veut rester député jusqu'à ce que le Parti libéral du Canada élise son nouveau chef. Il va devoir trouver une façon de maintenir l'intérêt de cette très longue précampagne, mais cela lui permet de s'organiser, de former son équipe, d'élaborer un programme, sans avoir à suivre le train-train quotidien de l'hôtel de ville ni répondre quasi quotidiennement aux questions chaudes de l'actualité.

La campagne fantôme de Denis Coderre lui permet, au surplus, d'écouter ce qu'on dit de lui, aussi bien chez ses adversaires que dans les médias, d'ajuster le tir en conséquence et de préparer la réplique.

Cette situation - candidat sans l'être officiellement - irrite profondément certains futurs rivaux de M. Coderre, dont le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. Celui-ci ronge son frein à la tête de la deuxième opposition depuis plus de sept ans et il enrage de voir Denis Coderre viser la mairie sans toutefois s'engager ouvertement dans le combat.

«J'espère qu'il va venir, j'ai bien hâte de faire campagne contre lui, ça va être un bon duel», m'a récemment dit Richard Bergeron, en ajoutant que son équipe «fait son travail» et documente le cas Coderre, notamment ses liens passés avec des acteurs du scandale des commandites.

Denis Coderre sait très bien que les histoires des commandites vont ressortir, qu'on fouillera dans sa liste de donateurs et qu'on scrutera ses amis et organisateurs. Il a vu neiger, cela fait plus de 30 ans qu'il fait de la politique, le plus souvent sur le terrain, les deux mains dans l'organisation.

En ces temps où les mots «intégrité» et «transparence» ressortent dans tous les discours, il est évident que le séjour de M. Coderre au condo des propriétaires d'Everest, en 1997, ou que sa position de VP chez Polygone reviendront périodiquement sur le tapis.

Il est certain, aussi, qu'on scrutera la liste de ses donateurs, qu'on tentera de faire des liens.

Denis Coderre n'a jamais été accusé de rien. Il n'a fait l'objet d'aucun blâme dans un rapport (Gomery ou autre), mais il traîne cette image de politicien de la vieille école. C'est le paradoxe Coderre: il a réussi, mieux que n'importe quel autre politicien d'aujourd'hui, à se moderniser sur les réseaux sociaux, à se «deux-point-zérotiser», mais ses détracteurs trouvent néanmoins que c'est une créature politique d'une autre époque.

En 2003, après le départ de Jean Chrétien, le nouveau premier ministre, Paul Martin, et ses conseillers ont refusé de nommer M. Coderre au cabinet, car ils craignaient que des «histoires» sortent à la commission Gomery.

Aujourd'hui, certaines personnalités hésitent à se joindre à sa campagne vers la mairie, inquiètes de voir des «histoires» surgir.

Denis Coderre ne laisse personne indifférent. Et il a un long parcours, ponctué de plusieurs accrochages, de nombreuses batailles. Il a beaucoup d'amis sur Facebook et sur Twitter, mais il n'a pas que des fans en politique.

Ceux-ci ont bien hâte à la vraie annonce de sa candidature.

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