Il est pour le moins étonnant d'entendre ces jours-ci que le gouvernement Marois a révisé son plan de match pour désormais placer la lutte contre la corruption en tête de liste de ses priorités. Vous voulez dire que ce n'était pas déjà le cas?

Pourtant, Pauline Marois a fait campagne en affirmant qu'elle ferait le ménage, insistant tout particulièrement en fin de course pour obtenir une majorité à l'Assemblée nationale. Dès les premiers jours de cette campagne, lorsque Jacques Duchesneau a débarqué comme un superhéros dans le camp de la Coalition avenir Québec (CAQ), le Parti québécois (PQ) a dû réajuster ses priorités. Ce n'est donc pas tant que le gouvernement Marois fait maintenant de la lutte contre la corruption son nouveau credo, mais plutôt qu'il a compris que c'est le cheval de bataille le plus prometteur pour espérer gagner les quelques sièges qui le séparent en ce moment d'une majorité.

Intégrité des partis politiques et rigueur pour retrouver l'équilibre budgétaire: cette recette a bien fonctionné pour Stephen Harper, à Ottawa, après le scandale des commandites.

Le nouveau gouvernement Marois peut même faire plus que celui de Stephen Harper, puisque le mal semble plus profond ici, où il touche non seulement les partis politiques, mais aussi le monde de la construction, les contrats publics, les municipalités et que sais-je encore. Le champ d'action du gouvernement Marois est pratiquement illimité, et les révélations quotidiennes à la commission Charbonneau imposent des gestes concrets rapidement.

L'efficacité réelle des nouvelles lois envisagées par le gouvernement Marois est discutable (les élections à date fixe sont souhaitables, mais ce n'est pas une panacée, et aucune loi, nulle part, n'abolira la soif de pouvoir de certains ou l'appât du gain des autres), mais le contexte lui permet d'imposer le sujet et le rythme.

Cette stratégie a bien fonctionné pour Stephen Harper, mais il y a une différence majeure avec le PQ de Mme Marois: le Parti conservateur, né d'une fusion de la droite après une très longue traversée du désert, était une créature politique neuve, libérée de ses taches du passé.

Le plan «intégrité» du gouvernement Marois ne peut fonctionner que si le PQ évite les éclaboussures de la commission Charbonneau, ce qui est loin d'être certain. Ce n'est pas pour rien que Jean Charest, lorsqu'il s'est finalement résigné à créer cette commission d'enquête, lui a donné le mandat de revenir jusqu'à 15 ans en arrière.

À entendre les ministres Jean-François Lisée, Bernard Drainville ou Pierre Duchesne faire la morale aux libéraux, on peut penser qu'ils croient que leur parti est immaculé et irréprochable. Ou que les électeurs seront plus indulgents pour de vieux péchés commis il y a plus de 10 ans.

François Legault, pour sa part, doit souhaiter que les deux «vieux partis» se fassent beurrer équitablement, ce qui serait certainement une bonne affaire pour la CAQ. Idem, dans une moindre mesure, pour Québec solidaire.

Au-delà des jeux politiques en temps de gouvernement minoritaire, il est urgent d'agir au Québec pour tenter de rétablir la confiance des citoyens, en particulier dans les municipalités.

C'est dans ce contexte tendu que s'ouvre officiellement cette semaine l'ère Marois, notamment mercredi, avec le discours inaugural de la nouvelle première ministre.

L'autre avantage d'un plan de match «intégrité», c'est qu'il permet de repousser les engagements plus controversés et qu'il évite de tirer dans toutes les directions.

Dans un élan de franchise tout à fait honorable, Pauline Marois a admis vendredi qu'elle était allée trop vite dans quelques dossiers et qu'elle avait bousculé des gens. Elle a promis de modérer la cadence, sans toutefois renier ses principaux engagements. C'est précisément dans cet équilibre que se jouera l'avenir de ce gouvernement minoritaire.

Pauline Marois veut visiblement jouer les rassembleuses en tendant la main aux partis de l'opposition et en promettant de débattre de leurs propositions.

L'expérience du gouvernement minoritaire de Stephen Harper à Ottawa comme celle du gouvernement minoritaire de Jean Charest, quoique plus courte, démontrent que le succès, en de telles circonstances, repose sur deux ingrédients: 1) un plan de match simple, efficace, duquel le gouvernement ne doit pas déroger et qui vise des priorités partagées par les électeurs; 2) une stratégie parlementaire et électorale dure et impitoyable basée sur le fait que la force d'un gouvernement minoritaire tient d'abord à la faiblesse de ses adversaires.

Plan de match simple et direct, instinct du tueur... A priori, ce ne sont pas les qualités premières de Mme Marois, mais le débat des prochaines semaines sur la taxe santé nous en dira plus long sur la première ministre.