La route sera encore très longue avant l'élection du nouveau chef du Parti libéral du Canada (PLC), dans six mois, et encore plus avant les prochaines élections fédérales de 2015, mais pour le moment, Justin Trudeau a l'effet d'une mégadose d'adrénaline sur son parti, moribond au Québec depuis des années.

Quelques semaines seulement après s'être officiellement lancé dans la course, et alors qu'il se fait très discret pour l'instant dans sa campagne, Justin Trudeau fait des miracles pour le PLC au Québec, le catapultant d'une exsangue quatrième place jusqu'en position de tête, devant le Nouveau Parti démocratique (NPD) de Thomas Mulcair et le Bloc, et loin devant les conservateurs, à qui il ne resterait que des miettes.

Le nom de Trudeau, s'il provoque encore des réactions négatives parfois fortes chez les souverainistes, jouit toujours d'une excellente cote chez les fédéralistes québécois.

En fait, lorsque CROP remplace le nom de Bob Rae, chef intérimaire du PLC, par celui de Justin Trudeau, les intentions de vote pour les libéraux grimpent de 16% d'un coup, à 36%, un score qu'ils n'ont pas obtenu au Québec depuis les débuts de Paul Martin, en 2004 (33,9% aux élections de juin 2004). Depuis, c'est la disette d'élections en élections pour les rouges: 20,8% en 2006, 23,8% en 2008 et un minable 14,2% en 2011.

Sans surprise, c'est le NPD qui souffrirait le plus de la remontée du PLC si cette tendance devait se confirmer et perdurer.

Ne tenez toutefois pas Thomas Mulcair pour battu. En fait, on semble se diriger tout droit vers un duel entre MM. Mulcair et Trudeau. C'est cocasse quand on se rappelle que Justin Trudeau voulait d'abord se présenter dans Outremont, là où Thomas Mulcair a été élu, mais qu'après avoir été bloqué par son chef de l'époque, Stéphane Dion, il a choisi de se poser dans Papineau, un terrain en apparence moins propice.

L'effet Justin propulse le PLC vers les sommets au Québec, mais Thomas Mulcair reste, aux yeux des Québécois, le meilleur candidat au poste de premier ministre. Justin Trudeau bénéficie sans aucun doute d'un fort capital de sympathie, mais son manque d'expérience nuit vraisemblablement à sa crédibilité pour occuper les plus hautes fonctions au pays. Cela dit, un quart des Québécois (contre 29% pour M. Mulcair) estiment qu'il est le meilleur candidat au poste de premier ministre, un score qu'il n'aurait certainement pas atteint à ses débuts en politique, il y a cinq ans.

Si ça risque de chauffer entre le NPD de Thomas Mulcair et le PLC de Justin Trudeau au Québec, l'entrée en scène du jeune leader libéral pourrait marginaliser encore davantage les conservateurs de Stephen Harper, qui frisent l'insignifiance électorale à 11%. Quant au Bloc, il résiste mieux aux assauts du PLC nouveau (théoriques, pour le moment, rappelons-le) mais, à 19%, il n'est pas vraiment compétitif.

Le plus étonnant dans cette spectaculaire entrée en scène de Justin Trudeau, c'est qu'il a été très discret depuis qu'il a annoncé sa candidature, il y a trois semaines, dans sa circonscription. Il a fait un séjour dans l'Ouest, quelques sorties publiques (il était à Québec hier), mais aucune émission à grandes cotes d'écoute comme Tout le monde en parle ni aucune entrevue de fond dans les médias québécois.

Cela démontre que, pour le moment, le seul nom de Trudeau suffit à le hisser en tête. Cela signifie aussi que Justin Trudeau devra éviter les gaffes, les déclarations malheureuses ou toute forme de triomphalisme, qui pourraient crever la bulle dans laquelle il semble se trouver maintenant. Par le passé, Justin Trudeau a souvent été son pire ennemi, y allant parfois de déclarations controversées que ses adversaires, les conservateurs notamment, ont certainement gardées en réserve pour usage ultérieur.

Le fait que M. Trudeau soit, pour le moment, le seul candidat sérieux à la direction du PLC peut aussi jouer en sa faveur. Déjà qu'on ne se bouscule pas au portillon chez les libéraux pour affronter Justin Trudeau, disons que sa performance au Québec refroidira encore les éventuels challengers.

Il est encore tôt dans cette course (qui n'en est pas une), et nous sommes encore loin des prochaines élections fédérales, mais ce sondage répond à une des principales questions qui trottaient dans la tête de bien des libéraux: le nom de Trudeau est-il un atout ou un handicap au Québec?

Une lune de miel sans passion

Au Québec, l'humeur de l'électorat a peu changé (ce qui est normal) depuis l'élection d'un gouvernement péquiste minoritaire, il y a près de deux mois.

En général, les Québécois sont plus satisfaits de ce nouveau gouvernement qu'ils ne l'étaient du précédent, ce qui ne devrait surprendre personne.

À 55%, le taux d'insatisfaction à l'égard du gouvernement Marois est élevé pour un début de mandat, mais il est quand même bien meilleur que le taux de 72% qui pesait sur le gouvernement Charest à la fin de son règne.

Par ailleurs, une plus grande proportion de Québécois pensent que le Québec va dans la bonne direction (44% contre 30% sous les libéraux).

Quant aux intentions de vote, elles bougent peu et le PQ demeure en tête au général et chez les francophones.

Malgré les débuts plutôt difficiles du gouvernement, les électeurs sont, de toute évidence, moins durs envers Pauline Marois que ne le sont les commentateurs.

On ne peut tout de même pas parler de lune de miel. S'il y en a une, on ne sent certainement pas de passion.