Cette campagne n'est pas finie. En fait, elle vient de commencer.

Hier soir, à TVA, le dernier duel de cette surprenante saison politique aura donné lieu, au milieu d'une cacophonie digne d'un mauvais party de famille, à des échanges assassins entre deux anciens compagnons d'armes, Pauline Marois et François Legault.

Quelque part dans un coin, Jean Charest ricanait, ravi de voir le débat référendaire revenir en force.

François Legault, qui était lui-même le plus pressé des souverainistes il y a deux ans à peine, a accusé son ancienne collègue, Pauline Marois, de vouloir précipiter les Québécois dans le ravin, reprenant même la vieille image des caribous. La ruade du caribou contre son ancien clan.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a même réussi à faire dire à Mme Marois qu'il pourrait fort bien y avoir un référendum dans le premier mandat si la population le réclame dans un référendum d'initiative populaire.

M. Legault a peut-être gagné le duel d'hier soir, mais le vrai gagnant, ce matin, c'est Jean Charest.

Imaginez l'aubaine: la chef du Parti québécois (PQ) qui confirme qu'elle tiendrait un référendum dans un premier mandat et le chef de la CAQ qui dit ne vouloir défendre aucun camp.

J'ai comme l'impression qu'on va beaucoup entendre parler de référendum d'ici à la fin de la campagne.

D'autant plus que, lorsqu'on parle de ça, on ne parle pas d'autres sujets désagréables, comme la corruption.

Bilan d'une grosse semaine de débats

Que retenir de cette dernière semaine, qui nous a donné, pour la première fois, quatre débats, dont trois duels à TVA?

La formule, d'abord. Elle a du bon, mais elle nécessite quelques ajustements. Peut-être un temps de réplique chronométré pour chaque chef en alternance, question de remettre la balle en jeu entre les segments.

Cela dit, plusieurs ont reproché à Pierre Bruneau d'être passif, de ne pas intervenir pour calmer le jeu, mais c'était pour lui aussi une première expérience dans le genre. Et s'il était trop intervenu, on l'aurait accusé d'empêcher les chefs de débattre. Question de dosage.

Les débordements font aussi partie, même si cela est désagréable, de la joute, et les chefs qui se montrent trop agressifs, qui coupent sans cesse la parole, sortent généralement perdants d'un tel exercice.

Les chefs, maintenant.

L'art du débat n'est pas donné à tous. Jean Charest, on le savait, est doué. Son expérience (un débat des chefs au fédéral et sept au provincial) l'a bien servi, mais il a passé le plus clair de son temps à attaquer les autres, si bien que, en trois soirées, il n'a pas vraiment donné de raisons aux Québécois de lui accorder un autre mandat. Être bon en débat, parfois même le meilleur, ne remplace pas une vision d'avenir ou même, plus modestement, un plan. Jean Charest a démontré cette semaine qu'il a encore envie de se battre mais, franchement, on ne sait pas trop pour quoi. Pour se faire réélire? Pour battre des records?

Hier, les libéraux ont publié un communiqué intitulé: «Le PLQ donnera au Québec les moyens de ses ambitions». Après neuf ans au pouvoir, c'est un peu tardif comme engagement...

De plus, Jean Charest a systématiquement refusé de prendre une part de responsabilité pour quoi que ce soit, préférant fouiller une quinzaine d'années en arrière pour accabler le Parti québécois. On ne lui demande pas de s'autoflageller en public, mais un minimum de modestie aurait été préférable à ce surplus d'arrogance.

Ces joutes oratoires auront aussi confirmé que ce genre de figure imposée n'est pas la spécialité de Pauline Marois. Quant à François Legault, qui a vécu son baptême du feu, il s'est bien tiré d'affaire, sans plus.

La révélation de la semaine, évidemment, c'est Françoise David. Le PQ perdra un député de grande qualité (Nicolas Girard) si Mme David gagne dans Gouin, mais le Québec sera privé d'une nouvelle voix intègre et passionnée à l'Assemblée nationale si elle perd.

Mme Marois et M. Legault ont un point en commun: ils ne sont pas assez méchants, pas assez incisifs; ils sont trop didactiques et peut-être mal préparés. Comment expliquer que, en trois soirées de débats contre Jean Charest, ni l'un ni l'autre n'aient ressorti la prime salariale secrète de 75 000$ versée pendant 10 ans au chef libéral ou les «Post-it» de la commission Bastarache?