Alors, cette fameuse formule de face-à-face, ce premier vrai duel électoral?

Franchement, ce n'était pas la peine de dissoudre l'Assemblée nationale, il y a trois semaines, pour reproduire exactement le même genre de débats bruyants, cacophoniques, vains et irrespectueux sur des plateaux de télévision!

Pour ceux qui ne le savaient pas déjà, le face-à-face d'hier soir sur TVA entre Pauline Marois et Jean Charest aura confirmé trois choses: Jean Charest est un increvable débatteur qui se transforme en chat de ruelle lorsqu'il est acculé au mur; Pauline Marois est plutôt mauvaise en débat, et ces deux-là se détestent profondément.

Pour la deuxième soirée consécutive, Pauline Marois aura eu l'occasion d'attaquer le chef libéral sur le sujet principal de ces élections, la corruption, sans toutefois réussir à marquer un point. Match nul, au mieux.

Ce n'est pas tout de répéter que «vous n'avez pas de leçon d'éthique à me donner», il faut aussi contre-attaquer avec des faits, avec des arguments - établir la preuve, en quelque sorte. Mme Marois n'y est pas arrivée hier soir, pas plus qu'au débat de dimanche.

Il faut dire que Jean Charest, fidèle à lui-même, n'allait tout de même pas s'asseoir dans son fauteuil en attendant tout bonnement de se faire taper dessus. Un jour, ses adversaires finiront peut-être par comprendre que pour Jean Charest, la meilleure défense, c'est l'attaque. Je suis surpris qu'ils ne l'aient pas encore compris.

Certains auront certainement trouvé Jean Charest trop «agressif», trop prompt, et lui reprocheront de couper impoliment la parole, mais ceci est un débat, pas une soirée mondaine.

Pauline Marois m'a semblé, comme dimanche soir, passive, incertaine. Certainement pas mue par l'instinct du tueur, dont elle parlait elle-même il y a quelque temps.

C'est voulu. Pauline Marois veut présenter l'image d'une leader posée. On verra bien si ça fonctionne auprès de l'électorat.

Formule gagnante?

Ceux qui espéraient une répétition, ici, des duels très civilisés que les Français ont pu voir au cours de la dernière présidentielle avec la formule adoptée par TVA seront sans doute déçus.

Par moments, ce «débat» ressemblait plus à une discussion animée entre chums dans un camp de pêche après quelques bières. Pour le fond, on repassera.

Sur la forme, les innombrables «Madame Marois» de Jean Charest sont vite devenus insupportables, et les interruptions incessantes entre les deux rendaient le débat aussi incompréhensible qu'inintéressant.

Et puis, nous avons eu droit, encore une fois entre les chefs libéral et péquiste, à une longue prise de bec sur la tenue du prochain référendum, sur la date de celui-ci, sur l'instabilité politique au Québec, sur les intentions cachées du PQ...

Retour sur dimanche soir

Tout le monde s'entend: Françoise David a été excellente au débat des chefs de dimanche soir, sur Radio-Canada et Télé-Québec.

Incisive, mais cordiale, respectueuse, tout en se montrant tenace. Rafraîchissante, je dirais. Grâce à son ton, loin de ce à quoi nous sommes habitués dans les campagnes électorales et dans les échanges à l'Assemblée nationale.

À un moment, dimanche soir, Mme David a mis le doigt sur le bobo en disant que même si elle ne siège pas à l'Assemblée nationale, elle entendait, dans le ton des trois autres chefs, le même genre de débats acrimonieux qu'on entend à la période des questions. Touché!

On a surtout senti, lors des discussions sur la gouvernance et la corruption, que Françoise David était la seule à ne pas marcher sur des oeufs, à avoir les mains (et la conscience) totalement libres.

Les trois autres, Jean Charest, Pauline Marois et François Legault, se regardaient du coin de l'oeil, sachant fort bien qu'ils vivent dans des maisons de verre.

Que Jean Charest réussisse à s'en tirer à si bon compte devant ses rivaux du PQ et de la CAQ, en ressortant le rapport Moisan, est plutôt étonnant. Que Jean Charest ait pu esquiver si facilement les critiques de Pauline Marois, hier soir, en lui renvoyant sans cesse la balle ne fait que confirmer l'impression largement répandue que tous les partis sont pourris. Ou, à tout le moins, qu'ils ont tous quelque chose à se reprocher.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca