Quatre-vingt-quatorze! Non, ce n'est pas une coquille, il y a bel et bien 94 promesses dans les 114 pages du programme électoral de la Coalition avenir Québec dévoilé hier par son chef, François Legault.

Le programme de M. Legault est aussi spectaculaire et étourdissant que le logo de son parti. Et aussi flou, à bien des égards.

Certains ont vu dans le plan de campagne de François Legault la recette qui a fait le succès de Stephen Harper en 2006 (priorités bien ciblées, annonces simples et percutantes chaque jour). En fait, M. Harper n'avait que cinq priorités (nouvelle loi sur la reddition de comptes, réduction de la TPS de 7% à 6% et à 5%, durcissement du système de justice, aide financière directe aux parents pour garde d'enfants, réduction des temps d'attente en santé), un programme qui tenait sur trois pages et qui avait été présenté en un temps record de 25 minutes lors du discours du Trône.

Si la CAQ est élue, il faudra bien deux heures au premier ministre Legault (ça fait drôle d'écrire ça!) pour lire son discours inaugural.

La multiplication des promesses et l'improvisation qui accompagne certaines d'entre elles me rappellent davantage les campagnes de Paul Martin que celles du très discipliné Stephen Harper. Ce dernier se moquait d'ailleurs de l'ex-chef du PLC en disant qu'«avoir trop de priorités, c'est comme ne pas en avoir».

L'éparpillement me rappelle Paul Martin, mais le ton de la campagne du chef caquiste, sa fougue, son côté bing-bang-rentre-dedans me font plutôt penser à... Stockwell Day, chef de la défunte Alliance canadienne, lors de la campagne fédérale de 2000.

François Legault, contrairement à Stockwell Day, ne pratique pas la motomarine (du moins, pas en public) mais, comme lui, il fait beaucoup de vagues en campagne électorale.

M. Day, en son temps et au fédéral, était arrivé à la même conclusion que M. Legault aujourd'hui: l'État qu'il aspirait à diriger avait besoin d'un puissant électrochoc.

Le slogan de l'Alliance canadienne («Il faut que ça bouge!») n'est pas très différent du «C'est assez, faut que ça change!» de la CAQ.

La personnalité, les croyances et le passé des deux hommes ne se comparent pas, mais leur approche en campagne a quelques points en commun, notamment ce désir maintes fois répété de brasser la cage, quitte à déranger la fonction publique et les syndicats, et cette propension à avancer des solutions simplistes avec un soupçon de populisme. C'était aussi le style de Mario Dumont, en particulier lors de la campagne de 2007.

Un exemple, parmi d'autres, tiré du programme de la CAQ (p. 18, «Dégraissage de la bureaucratie»): «Un gouvernement de la Coalition avenir Québec imposera donc à la fonction publique et aux sociétés d'État un effort de rationalisation majeur des dépenses de fonctionnement. Les économies ainsi réalisées permettront au gouvernement d'alléger le fardeau fiscal des contribuables tout en disposant de revenus additionnels pour effectuer les investissements nécessaires pour replacer le Québec sur la bonne voie.»

Combien de fois a-t-on entendu ce genre de promesse? De la part d'un comptable, on s'attendrait au moins à quelques détails chiffrés sur ce «dégraissage», mais vous n'en trouverez point.

François Legault veut présenter son cadre financier avant le premier débat (dimanche prochain) mais, pour le moment, son programme ressemble davantage à un catalogue de voeux pieux et de phrases creuses sur le besoin de créer de la richesse et d'assainir les finances publiques.

Jean Charest et Pauline Marois ont dénoncé cette semaine l'improvisation du chef caquiste. C'est du spin de campagne, évidemment, mais ils n'ont pas tout à fait tort. On a souvent l'impression que M. Legault écrit son programme et ajuste le tir dans son autocar de campagne, entre deux activités.

Prenez la semaine dernière, lorsque M. Legault a promis une baisse d'impôt pour les ménages gagnant moins de 100 000$ par année. Les journalistes qui suivent M. Legault ont alors noté qu'un couple gagnant 101 000$ n'aurait pas droit à la baisse, alors qu'un célibataire ayant un revenu de 99 000$ serait admissible. Oups, on corrigera ça une fois au pouvoir, ont alors indiqué les conseillers de M. Legault. Comment? On verra...

Rebelote, samedi, sur le thème de l'environnement. Un gouvernement de la CAQ, a lancé M. Legault, rapatriera tous les pouvoirs en environnement, un champ de compétence actuellement partagé avec Ottawa. Tous les pouvoirs?, ont demandé mes collègues à M. Legault, qui a confirmé l'affirmation. Quelques minutes plus tard, ses conseillers sont montés dans le car des médias pour dire que, finalement, ça ne sera peut-être pas tous les pouvoirs et probablement pas dans le premier mandat. Bref, ils ont détricoté la belle annonce de leur chef.

Même flou concernant l'amiante: M. Legault dit que le Québec doit faire son deuil de cette industrie d'une autre époque et promet d'interdire l'exportation... tout en maintenant le prêt qui permettra à la mine Jeffrey de reprendre ses activités.

Flatter la droite

Dans son programme, la CAQ n'a pas oublié sa base de droite, notamment les anciens adéquistes, très discrets dans cette campagne.

M. Legault entrouvre donc la porte au privé en santé et insiste sur la protectin de l'ordre public, notamment en promettant des peines plus sévères pour les crimes graves, ce qui est pourtant de compétence fédérale!

Par ailleurs, M. Legault a le courage de regarder en face l'un des plus grands problèmes du Québec: la paralysie de Montréal par son absurde structure de gouvernance.

En promettant le grand ménage à Montréal et en mettant de nouveau en doute le leadership de Gérald Tremblay, M. Legault ne se fera pas que des amis.

Il le sait. Et ce n'est pas le seul endroit où ça risque de brasser.

Montréal, syndicats des enseignants, commissions scolaires, professionnels de la santé, fonction publique... Je ne sais si c'est par nostalgie de ses années passées à Transat, mais François Legault semble attiré par les zones de turbulence.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca