En apprenant, mardi matin, que la députée de Saint-Maurice-Champlain, Lise St-Denis, quittait le Nouveau parti démocratique au profit du Parti libéral, je me suis rappelé cette rencontre inusitée entre son prédécesseur et elle dans cette circonscription, un certain Jean Chrétien.

C'était par un beau samedi d'août, après les funérailles officielles de Jack Layton à Toronto, dans un vol de Porter qui ramenait à Montréal des députés du NPD, du PLC et du Bloc, des militants et organisateurs politiques, un journaliste (moi) et l'ancien premier ministre, assis à l'avant de l'appareil.

La vague orange était tellement récente que Mme St-Denis (comme d'autres députés du NPD) gardait à portée de main un dépliant contenant les noms et les photos de ses nouveaux collègues néo-démocrates, question de pouvoir les reconnaître. Elle n'a toutefois pas eu besoin d'aide pour reconnaître Jean Chrétien, qu'elle n'avait jamais rencontré et à qui elle est allée prestement se présenter sous le regard de... Denis Coderre, alors en pleine conversation avec son ancien chef.

M. Chrétien a déclaré à Mme St-Denis que Stephen Harper ne serait pas au pouvoir si le NPD et les libéraux avaient uni leurs forces, et il l'a invitée à venir parler politique un de ces jours à son bureau de Montréal.

Une rencontre entre les deux a bel et bien eu lieu en novembre, mais elle n'aurait rien à voir avec la décision de Mme St-Denis de se joindre aux libéraux. «Cette question n'a même pas été abordée, ils ont parlé de la circonscription de Saint-Maurice», dit-on chez les libéraux.

Cette défection a de toute évidence pris de court les néo-démocrates. En fait, ils ont appris l'identité de la transfuge en même temps que tout le monde, en regardant la conférence de presse à la télé.

C'est certes une surprise, mais pas une grosse perte, se sont empressés de dire les néo-démocrates dans les minutes qui ont suivi l'annonce de Mme St-Denis. Selon eux, la députée de Saint-Maurice-Champlain ne cadrait pas dans la culture néo-démocrate.

Pourrait-il y avoir d'autres défections? C'est douteux pour le moment mais, à Ottawa, des néo-démocrates ont laissé entendre que Mme St-Denis «était l'une des quatre députés» susceptibles de quitter le bateau. À suivre, surtout si Thomas Mulcair mord la poussière dans la course à la direction.

Lise St-Denis, en quittant le NPD, fait donc peu de dégâts, mais elle part toutefois sur un constat cru, presque tabou au parti, au sujet de la relation entre les Québécois et feu Jack Layton: «Ils ont voté pour Jack Layton; Jack Layton est mort.» Les fidèles de Jack n'ont pas apprécié, évidemment, mais ils auraient tort de nier que la transfuge a raison.

Autre capitale, autre défection, moins surprenante, celle-ci. Malgré ses nombreux démentis des derniers mois, tout le petit monde politique québécois savait que François Rebello songeait à rejoindre son ami François Legault.

M. Rebello part lui aussi en lançant une douloureuse évidence à la face de son ancien parti lorsqu'il affirme que seul François Legault peut battre Jean Charest.

Y a-t-il des transfuges plus acceptables que d'autres?

Chose certaine, on ne pourra pas accuser Mme St-Denis d'opportunisme. M. Rebello, par contre, avoue qu'il se joint à la CAQ parce qu'elle est la seule formation en mesure de prendre le pouvoir, acceptant au passage de taire (du moins officiellement) l'option politique pour laquelle il milite depuis plus de 20 ans.

Bernard Landry a toujours dit: «Le parti avant les individus, et le pays avant le parti.» Ces temps-ci, au PQ, cette phrase semble aussi dépassée que les fameux bras meurtris passant le flambeau du vestiaire du CH.

Le Sénapoly

Des transfuges, passons rapidement aux planqués, ceux que Stephen Harper vient de nommer au Sénat, un vendredi de début janvier en fin d'après-midi, un vieux truc pour passer sous les radars médiatiques.

M. Harper, qui s'insurgeait jadis contre les nominations partisanes des libéraux au Sénat, a inventé, pour ses candidats battus au Québec, un nouveau jeu: le Sénapoly.

Les règles sont simples: présentez-vous sous la bannière conservatrice, faites-vous battre, passez Go, réclamez un job à vie au Sénat. Pour les organisateurs, c'est encore plus expéditif - même pas besoin de se présenter.

Dans la nouvelle cuvée de vendredi, Ghislain Maltais, organisateur et candidat libéral devenu conservateur quand le vent a viré de bord, et Jean-Guy Dagenais, candidat battu dans Saint-Hyacinthe, qui militait pour le maintien du registre des armes à feu lorsqu'il était président de l'Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ).

Lors de la dernière campagne électorale, M. Dagenais m'avait expliqué qu'il n'était pas vraiment pour le registre mais qu'il en avait défendu les mérites parce que c'était une position de l'APPQ, dont il était le président.

Les principes, contrairement à l'allégeance politique, ne sont pas un préalable pour accéder à la Chambre haute.