Depuis le décollage officiel de la Coalition avenir Québec, il y a trois jours, le logo multicolore du parti de François Legault a beaucoup fait jaser. Ses adversaires politiques ont aussi souligné son passé récent de souverainiste «pressé» et le flou entourant la fusion prévisible avec l'ADQ.

Dans la joute politique, ces préoccupations périphériques ont relégué à l'arrière-plan l'essentiel des propositions de la CAQ. Pourtant, celles-ci méritent certainement qu'on s'y arrête.

Prenez par exemple cet engagement de François Legault d'abolir 4000 postes à Hydro-Québec. Qu'en pensent libéraux et péquistes? Est-ce faisable? Souhaitable? Peut-on vraiment récupérer 600 millions chez Hydro?

Autre proposition de la CAQ: abolir les commissions scolaires et les agences de santé et de services sociaux.

Libéraux et péquistes ont longtemps ridiculisé cette idée d'abolir les commissions scolaires lorsqu'elle était défendue par Mario Dumont, mais on a vu les militants du PLQ débattre eux aussi de cette question lors de leur dernier congrès, le mois dernier à Québec. Pris de court, les militants ont sagement choisi de repousser à une prochaine rencontre ce débat, mais on sentait bien que le gouvernement, lui, voulait s'approprier cette idée.

Les libéraux, par ailleurs, sont plutôt mal placés pour critiquer la promesse de François Legault de «réparer» le système de santé, eux qui ont vu leur chef faire la même chose il y a près de neuf ans. Mais que pensent-ils de l'engagement caquiste de permettre à chaque Québécois d'avoir un médecin de famille? C'est réaliste? Réalisable? Nécessaire?

Sur le plan économique, la CAQ suggère une participation financière de Québec dans les entreprises minières et prévoit consacrer 100% des redevances à la réduction de la dette. Si un secteur mérite un urgent débat, c'est bien celui-là. Ce débat aura-t-il lieu ou les partis s'en tiendront-ils à leur position respective?

Sans surprise, le premier réflexe de Jean Charest face à François Legault aura été de revenir sur la patinoire constitutionnelle, celle sur laquelle il patine avec tant d'aisance depuis près de 30 ans. La seule qu'il ait connue, en fait. On ne se défait pas si facilement de ses vieilles habitudes.

Pauline Marois et sa garde rapprochée, de leur côté, se sont empressés de rappeler que M. Legault était, encore récemment, un fervent souverainiste.

Pendant que les libéraux soupçonnent le chef de la CAQ de préparer en secret un référendum et que les péquistes accusent leur ancien collègue d'avoir défroqué, celui-ci pourra rappeler qu'il est, comme bien des Québécois, passé à autre chose, et que ses adversaires sont obnubilés par la question constitutionnelle.

On a déjà vu ce film-là, pendant la campagne électorale de 2007, lorsque Jean Charest et André Boisclair se sont mis à débattre de référendum et de divisibilité du territoire québécois. Mario Dumont s'est faufilé entre les deux, s'en tenant à son plan de match, à son message et récoltant des votes à la pelle aussi bien au PLQ qu'au PQ.

M. Legault semble avoir compris quelque chose que ses adversaires ont encore du mal à piger.

Cela dit, la non position de François Legault, inspirée du moratoire référendaire suggéré par Mario Dumont en 1996, n'est pas sans faille. Le chef de la CAQ affirme vouloir «rétablir le rapport de force du Québec» face à Ottawa, mais il ne dit pas comment. Promettre une décennie de gel référendaire n'est certainement pas le meilleur moyen de faire peur à Ottawa, surtout si on ne présente pas de revendications formelles.

M. Legault aime bien, par ailleurs, se présenter comme l'homme du changement, mais il devra aussi défendre et justifier ses décisions et son bilan d'ancien ministre du PQ.

Devant François Legault, la famille péquiste a décidé pour le moment de serrer les coudes et de contre-attaquer.

On l'accuse, notamment, d'avoir milité ardemment, juste avant son départ en 2009, pour une hausse des tarifs d'Hydro-Québec pour financer un fonds d'investissement, ce dont il ne parle plus aujourd'hui.

Il y a quelques à mois à peine, il projetait aussi, dans des conversations privées, une hausse des tarifs d'Hydro-Québec pour financer les universités. Plus un mot là-dessus non plus.

Lors d'un entretien récent avec Jean François Lisée, celui-ci me disait que François Legault aurait pu «peser sur le bouton» pour lancer le CHUM au 6000, Saint-Denis, alors qu'il était ministre de la Santé, ce qui aurait permis à Montréal de gagner 10 ans.

L'entourage de François Legault se défend vigoureusement d'avoir échoué avec le CHUM première mouture.

«Quand on est arrivés à la Santé (NDLR: en 2002), c'était le bordel! dit Martin Koskinen, un fidèle collaborateur de François Legault. L'évaluation des coûts n'était pas réaliste, le projet était mal ficelé. Pour nous, ce fut une grande surprise, mais ça ressemblait au métro de Laval, alors on a renvoyé tout le monde à sa table à dessin.»

M. Legault ne veut pas se faire coller d'étiquette et propose aux Québécois de repartir à neuf, mais on ne peut avoir été en politique pendant plus de 10 ans sans avoir laissé quelques traces.

Comptez sur les nouveaux adversaires de François Legault pour les lui rappeler.