Dans une entrevue accordée l'an dernier pour les 50 ans du magazine Châtelaine, Nathalie Normandeau avait dit que ses années en politique lui avaient appris trois choses: l'humilité, la persévérance et la patience. Elle avait ajouté au passage qu'elle déteste se faire dire non.

Son humilité, certes, a été mise à rude épreuve, en particulier au cours de la dernière année, marquée par des reculs et des volte-face politiques ainsi que par des épreuves personnelles étalées sur la place publique.

Après 16 ans de service public (13 ans comme députée et 3 ans comme mairesse de Maria), on peut certes comprendre que la persévérance de Mme Normandeau se soit émoussée et qu'elle ait envie de faire autre chose.

Ses collègues savent depuis un moment qu'elle souhaite en effet un peu plus de stabilité dans sa vie privée, dans son couple, et qu'elle voudrait peut-être même fonder une famille.

Certains confient par ailleurs qu'elle a été profondément blessée l'an dernier par sa rupture avec le député adéquiste François Bonnardel. Cette relation médiatisée (ce qui est assez rare dans notre petit monde politico-médiatique) avait alimenté les potins et parfois aussi les sarcasmes.

Plus récemment, elle a dû admettre qu'elle fréquentait l'ancien chef de police de Montréal, Yvan Delorme, dont le nom est revenu au printemps dans l'affaire BCIA. Au sein même du gouvernement Charest, certains se demandaient hier si la démission-surprise de Mme Normandeau n'est pas justement liée à cette relation.

En outre, la mort de Claude Béchard, l'an dernier, avait aussi profondément marqué l'ex-vice-première-ministre, notamment parce que celui-ci avait le même âge qu'elle.

Les derniers mois ont donc été éprouvants pour Mme Normandeau sur le plan personnel. Sur le plan politique aussi, peut-être pires même, en particulier dans l'épineux dossier de l'exploitation du gaz de schiste. Après avoir défendu bec et ongles cette industrie, elle a dû faire un virage à 180° et admettre qu'une pause était nécessaire. Pire encore, c'est son collègue de l'Environnement, Pierre Arcand, qui a pris le devant de la scène pour imposer un frein à l'industrie. Du coup, Mme Normandeau s'est retrouvée du mauvais côté de l'opinion publique, ce qui est toujours dangereux dans un débat aussi émotif. Sa comparaison aussi malheureuse qu'étonnante avec les émissions des... vaches lui a aussi collé à la peau, en plus de faire d'elle une cible parfaite pour les caricaturistes.

Au cours des derniers mois, elle n'a pas su convaincre les Québécois que le régime de redevances minières était à leur avantage et encore moins que le Plan Nord, dont elle était responsable, était autre chose qu'un plan, justement. Et là encore, dans les deux cas, on l'a accusée de placer les intérêts de multinationales richissimes devant ceux des Québécois.

Le premier ministre l'a félicitée hier pour l'entente conclue avec Ottawa sur le développement gazier de Old Harry. Il a toutefois omis de rappeler que sa ministre, l'été dernier, a engagé le Québec dans une stratégie énergétique fédérale, une compétence provinciale, ce qui lui a attiré les foudres de l'opposition. Mme Normandeau a alors expliqué qu'elle avait obtenu d'Ottawa l'assurance qu'il n'aiderait pas financièrement Terre-Neuve-et-Labrador pour l'exploitation du Bas-Churchill. Le gouvernement Harper a néanmoins confirmé la garantie de prêt de 4 milliards, au grand dam de toute la classe politique québécoise.

Il y a aussi le Plan Nord, un dossier ambitieux mais vague, piloté sans succès réel par Mme Normandeau. Il semble que Jean Charest ait décidé de reprendre lui-même le dossier, comme on l'a vu la semaine dernière en Chine.

À première vue, le départ de Nathalie Normandeau est une mauvaise nouvelle pour Jean Charest, notamment parce qu'il devra subir le test d'une élection partielle d'ici au mois de mars. Cela dit, c'est peut-être aussi une bonne chose puisque cela lui permettra de relancer des dossiers difficiles et embourbés en procédant à un léger remaniement.

Quant à Nathalie Normandeau, elle reviendra un jour en politique, c'est certain, disent ses collègues

Jean Charest aurait d'ailleurs déjà confié à des proches que Mme Normandeau deviendra un jour la première femme premier ministre du Québec.