Pour un homme qui atteint des sommets dans les sondages en surfant sur le désir de changement des Québécois, disons que François Legault n'offre, finalement, pas grand-chose de neuf.

Quelques mesures repiquées dans le programme de l'ADQ pour l'électorat plus à droite, quelques poussées de nationalisme pour les électeurs du PQ, de nouvelles dépenses financées, comme par magie, par des promesses de restructuration ici et là, le tout enrobé d'un certain flou artistique, notamment sur des réductions de dépenses et des économies de plusieurs centaines de millions.

Avec le dévoilement, hier, du quatrième et dernier document de propositions de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ), on a maintenant une vue d'ensemble des priorités de François Legault en santé, en éducation, en économie et en culture.

C'est plutôt mince et il est pour le moins étrange que M. Legault n'ait pas jugé pertinent de proposer aussi des changements à notre système démocratique et de gouvernance, première source de frustration et de désabusement des citoyens.

En fait, François Legault s'est aventuré adlib sur ce terrain la semaine dernière, en évoquant l'idée d'une date de péremption de cinq ans pour son éventuel gouvernement, mais il a dû faire volte-face hier, précisant qu'il pourrait faire deux mandats, soit plutôt 10 ans.

Au fil des mois, on se rend compte que François Legault est très «scripté», qu'il surfe sur des idées très générales et qu'il risque de prendre la tasse s'il improvise. On constate aussi qu'il n'est ni transcendant ni charismatique.

Qu'à cela ne tienne, les Québécois veulent du «changement» et dans notre univers politique sclérosé, c'est lui le moins usé. Ce qui ne veut pas dire qu'il est neuf, au contraire. M. Legault pourfend les «politiciens de carrière», mais il a déjà plus de 10 ans de politique active derrière la cravate et il est prêt à replonger pour une autre décennie. Plus de 20 ans en politique, ça commence à ressembler à une carrière, non?

M. Legault connaît d'ailleurs les bons vieux trucs politiques, notamment celui d'utiliser des enjeux émotifs (wedge issues, disent les anglophones) pour capter l'attention des électeurs.

Le document de propositions sur la culture présenté hier à Québec par la CAQ dépeint de façon lucide l'importance d'adopter des politiques résolues pour protéger le français, mais l'idée de réduire le nombre d'immigrants est un clin d'oeil aussi grossier que populiste aux électeurs jadis charmés par le discours de Mario Dumont.

M. Legault propose de réduire le nombre d'immigrants admis au Québec d'environ 55 000 aujourd'hui à 45 000, pendant deux ans, le temps de mettre en place des mesures de francisation.

Ce qu'il ne dit pas, c'est que le gouvernement Charest a dégagé, en 2008, 80 millions de dollars de plus sur trois ans pour cette tâche et qu'il veut, par ailleurs, plafonner à 50 000 le nombre de nouveaux immigrants par année. Donc, M. Legault propose de réduire le nombre d'immigrants de 10 000 sur deux ans...

M. Legault et le cofondateur de la CAQ, Charles Sirois, deux hommes d'affaires, ne parlent toutefois pas de la francisation des entreprises, notamment les pharmaceutiques et celles en aéronautique, en développement de logiciel ou dans le milieu de la finance.

Au total, les mesures proposées par

M. Legault hier coûteraient 400 millionsde plus par année, une somme qui viendra «par le réaménagement de certains crédits d'impôt aux entreprises qui totalisent 4 milliards de dollars par année», dit-il.

Ça aussi, c'est un vieux truc en politique: laisser entendre que l'on coupera du gras ailleurs dans la machine...

Même chose en éducation, un secteur dans lequel la CAQ prévoit investir près de 1 milliard de plus. Pour y arriver, M. Legault propose de trouver 600 millions de dollars en «gains d'efficacité chez Hydro-Québec» et 280 millions par la «restructuration des commissions scolaires». L'électeur moyen aime bien se faire dire qu'il y a du gras à couper chez les «gras dur».

Même dans ses propositions en économie, qui devrait être la force du tandem Legault-Sirois, la CAQ entretient le vague et multiplie les voeux pieux du genre: «Accroître les investissements de la Caisse de dépôt et placement au Québec», «Miser sur nos pôles naturels» ou «Soutenir le transfert d'entreprises aux générations suivantes ou aux employés».

Parlant d'économie, le moment serait idéal pour que M. Legault nous fasse part de ses propositions sur le développement des ressources naturelles et sur le régime de redevances. On aimerait aussi entendre ses plans pour relancer Montréal, pour les infrastructures routières, pour le transport en commun et pour un nouveau pacte avec Québec, un plan, quoi, pour la région où vit la moitié de la population du Québec.

Mais peut-on critiquer François Legault de ne pas être plus explicite?

Son succès actuel est la preuve que les Québécois se préoccupent peu de l'itinéraire. Ils veulent juste un nouveau char.