Les députés fédéraux reprennent le chemin de la Chambre des communes aujourd'hui pour entamer une nouvelle session parlementaire qui risque fort d'être interrompue par des élections printanières. Bonne affaire, parce que ce Parlement est paralysé depuis des mois et que seul un scrutin permettra de repartir à neuf.

Les conservateurs de Stephen Harper répètent qu'ils ne veulent pas d'élections, mais ils souffrent visiblement de plusieurs symptômes électoraux.

Premier symptôme: le matraquage publicitaire, en particulier contre le chef libéral, Michael Ignatieff. Ces publicités sont «préventives» et elles veulent seulement dénoncer l'intention des partis de l'opposition de faire tomber le gouvernement, selon les conservateurs. Si tel était vraiment le cas, nul besoin de dépenser des millions. Une conférence de presse et quelques entrevues de Stephen Harper auraient été suffisantes.

Autre signe d'agitation électorale, les stratèges conservateurs, dans leur trop grand enthousiasme, ont encore une fois dépassé les bornes de la décence la semaine dernière en diffusant sur le web une pub incendiaire contre Michael Ignatieff qu'ils ont dû prestement retirer.

En gros, les conservateurs ont fait un montage pour faire dire à Michael Ignatieff qu'il est logique de hausser les impôts ou de mettre en péril la reprise économique par des élections. (Le seul endroit où vous pourrez voir cette pub est sur le site de l'émission Les coulisses du pouvoir, qui l'a immortalisée avant qu'elle ne disparaisse.)

Ce n'est pas la première fois que la grosse machine bleue dérape. En 2004, Stephen Harper avait dû s'excuser auprès de Paul Martin parce que son war room avait publié un communiqué affirmant que l'ex-chef premier ministre soutenait les pédophiles. Et puis, il y a eu, en 2008, ce puéril incident de la fiente d'oiseau sur Stéphane Dion.

Par ailleurs, autre signe précurseur de fièvre électorale, le gouvernement conservateur adoucit un peu le ton sur des dossiers sensibles. On a ainsi vu la ministre Josée Verner la semaine dernière dire que son gouvernement veut «plus de détails» sur le projet d'un nouvel amphithéâtre à Québec. C'est déjà plus positif qu'un refus sec de participer au projet.

Sur un autre front, son collègue des Finances, Jim Flaherty, a laissé entendre qu'il serait d'accord pour confier à Québec la perception d'une taxe de vente harmonisée.

Ces deux dossiers ont bien peu de chances d'être réglés avant le dépôt du budget. Le gouvernement conservateur laisse cependant planer l'espoir sans avoir à s'engager formellement, ce qui pourrait lui faire perdre des points ailleurs au pays. En campagne électorale, un engagement à régler est souvent plus payant pour un gouvernement sortant qu'un règlement, qui fera toujours des mécontents de toute façon.

Du côté des partis de l'opposition, le Bloc québécois n'a pas caché son jeu: en déposant des demandes atteignant cinq milliardsde dollars, Gilles Duceppe adopte la stratégie du «toute ou pantoute», sachant fort bien qu'il n'obtiendra jamais ce qu'il réclame.

Le Bloc hausse par ailleurs le ton dans le domaine prisé des conservateurs de la loi et de l'ordre. C'est en effet le Bloc qui a le plus sévèrement écorché le gouvernement Harper, la semaine dernière, lorsque Vincent Lacroix est sorti de prison après avoir purgé le sixième de sa peine. On peut soupçonner le Bloc d'opportunisme politique dans ce dossier, mais il ne se trouvera pas grand monde au Québec pour applaudir la libération du fraudeur de Norbourg après un si court séjour derrière les barreaux.

Autre sujet chaud: le Bloc exige la ligne dure contre les proches de l'ex-président tunisien réfugiés à Montréal, un sujet embarrassant pour Ottawa.

Les libéraux, de leur côté, jouent les durs pour la galerie, mais en privé, ils croisent les doigts, loin d'être rassurés. En fait, ils sont plus résignés qu'enthousiastes.

Les députés, organisateurs et stratèges à qui j'ai parlé récemment sont convaincus d'avoir le bon cheval de bataille (dénoncer les baisses d'impôts aux grandes entreprises), mais ils ont des doutes sur le cavalier.

La tournée estivale de Michael Ignatieff aura permis de rassurer ses troupes. Une grande question hante toutefois les libéraux: «Iggy» pourra-t-il soutenir la pression de 35 jours de campagne contre trois chefs aguerris qui comptent, ensemble, 11 campagnes électorales à leur actif?

Au Québec, plus précisément, les libéraux avouent qu'ils risquent de perdre encore du terrain. Même Outremont, qu'ils croyaient pouvoir reprendre facilement, serait perdu, selon plusieurs rouges. Ils redoutent aussi la vedette du PC, Larry Smith, qui a, selon certains, des chances dans Lac-Saint-Louis.

Trop tard pour reculer, toutefois. Pour les libéraux, le sort en est jeté et seul un repli du chef du NPD, Jack Layton, peut encore leur permettre d'éviter des élections au résultat incertain.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca