À entendre Jean Charest au début de la présente session, le plus grand mal dont souffrait notre démocratie était le manque de respect entre députés et les dérapages inélégants à l'Assemblée nationale.

Le premier ministre, profitant du départ de son portier en chef, Jacques Dupuis, a donc voulu faire un geste d'apaisement en nommant un leader parlementaire de commerce plus agréable, Jean-Marc Fournier.

M. Charest a de plus demandé à Pauline Marois de remplacer elle aussi son leader, Stéphane Bédard, par un collègue moins mordant, ce qu'elle n'a pas fait, évidemment.

Le seul fait que le gouvernement exige de l'opposition officielle un changement de leader parlementaire est en soi la preuve que celui-ci fait très bien son travail.

On peut saluer la tentative d'apaisement lancée par Jean Charest, mais il ne faudrait toutefois pas confondre l'effet avec la cause. Si l'ambiance est à ce point exécrable à l'Assemblée nationale, ce n'est pas parce que l'opposition mitraille le gouvernement, mais bien parce que celui-ci lui donne des tonnes de munitions.

On peut bien sûr déplorer le ton peu édifiant de certains échanges, mais l'incapacité du gouvernement à assainir l'air vicié, sa nonchalance, depuis plus d'un an, devant les affaires louches et les allégations qui l'affligent expliquent en grande partie la détérioration du climat.

D'ailleurs, Stéphane Bédard et sa chef Pauline Marois ne sont pas les seuls Québécois en rogne contre le gouvernement. En fait, le Québec est fâché ces temps-ci. Ou inquiet. Ou désabusé. Ou dégoûté. Écoutez les commentaires, lisez les blogues, écoutez les tribunes téléphoniques, le Québec est en beau cal..bip... bip!

Les méthodes du gouvernement Charest en ce début de session n'aideront certainement pas les choses.

Encore hier, la façon dont le gouvernement s'y est pris pour sortir cinq nouveaux projets de loi sur le financement des partis de son chapeau, sans prévenir ni consulter personne, plutôt que de calmer le jeu, n'aura fait que l'envenimer.

Pour un gars qui devait être plus gentleman, Jean-Marc Fournier a été plutôt cowboy hier. En plus de scinder le projet de loi sur le financement des partis politiques en cinq parties distinctes, il n'a même pas avisé ou consulté le directeur général des élections. Le DGE, Marcel Blanchet, qui a annoncé son départ pour le 31 décembre en laissant entendre que le climat actuel ne favorisait pas son travail, partira avec encore plus d'empressement.

Cela dit, malgré la manière, l'opposition se doit d'étudier et de faire avancer ces projets de loi. En fait, dans le climat actuel, le gouvernement comme les partis de l'opposition a le devoir d'adopter les nouvelles règles de financement.

Idem pour le projet de loi sur la création d'un commissaire à l'Éthique. Ça fait plus d'un an qu'on en parle à Québec, il est plus que temps d'aboutir.

Pour le moment, ce projet est bloqué pour de vils motifs politiques. Les libéraux essayent de bulldozer et l'opposition qui, elle, sait fort bien qu'elle ne pourra plus parler du supplément salarial (75 000$ par année versé par le PLQ) de Jean Charest puisque celui-ci a promis de l'abandonner le jour où la loi sera adoptée.

Allez, un petit effort, Mme Marois, vous trouverez bien autre chose pour tourmenter M. Charest.

Un petit effort aussi pour les nouveaux fragments de projets de loi déposés hier. D'autant plus qu'il y a du bon là-dedans, notamment cette idée de confier au DGE la tâche de recevoir les dons destinés aux partis et de s'assurer de leur conformité. On peut difficilement être contre ça.

Le PQ, par ailleurs, tient mordicus à abaisser le plafond des dons aux partis de 3000$ par année à 500$. Noble bataille, mais cela ne devrait pas empêcher l'adoption de réforme attendues depuis trop longtemps. De toute façon, dans les circonstances, l'entêtement des libéraux à garder les gros dons leur fera plus de mal dans l'opinion publique que de bien dans leurs coffres.

L'opposition, comme le gouvernement, doit faire preuve de cohérence. Si l'assainissement des moeurs politiques est LA priorité au Québec, eh bien soit! Trêve d'enfantillages, de manoeuvres procédurales et de grands effets de toge à l'Assemblée nationale: faites le ménage et que l'on passe enfin à autre chose.

Ça fait près de 18 mois que l'on ne parle que de ça au Québec. Le Québec a perdu assez de temps. Et les Québécois sont sur le point de perdre patience.