On dit souvent qu'il faut prendre les sondages d'été avec un grain de sable - euh, pardon, de sel -, les électeurs étant trop dissipés entre la plage, le barbecue et les promenades à vélo. Si cela est vrai, voilà bien la seule consolation pour Jean Charest, mais également pour Pauline Marois, qui en prennent tous les deux plein la figure dans ce nouveau sondage Angus Reid.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la cote d'amour de ces deux-là n'est pas très élevée. Est-ce un reflet de la morosité qui s'est abattue sur le monde politique depuis quelque temps et du climat pourri à l'Assemblée nationale? Toujours est-il que nos politiciens ont rarement été à ce point mal aimés.

Ce coup de sonde tout chaud, réalisé au moment où le premier ministre remaniait son équipe, confirme d'abord deux phénomènes observés depuis quelques mois: Jean Charest va mal, son gouvernement aussi, mais Pauline Marois n'arrive pas à tirer pleinement profit des déboires des libéraux.

Ce qui frappe, toutefois, c'est le désabusement d'une bonne partie de l'électorat envers les partis politiques et même l'aversion de nombreux électeurs envers leurs chefs.

On a beau être en été, lorsque plus du quart (26%!) des électeurs ne savent pas pour quel parti ils voteraient, cela dénote un sérieux problème de confiance. Cela se confirme d'ailleurs lorsqu'on demande aux électeurs si les chefs du PLQ, du PQ et de l'ADQ devraient abandonner leur poste: 66% des Québécois (72% chez les francophones) pensent que Jean Charest doit partir. Même chez ceux qui ont voté en 2008 pour M. Charest, 39% souhaitent qu'il fasse ses boîtes! C'est à peine mieux pour Pauline Marois: 54% des électeurs en général affirment qu'elle devrait céder sa place (dont 33% de gens qui ont voté pour elle en 2008). Moins connu, et à la tête d'un parti exsangue, Gérard Deltell s'en tire mieux, mais ce n'est pas le grand enthousiasme non plus (38% disent qu'il devrait rester, 32% qu'il devrait partir et 30% n'ont pas d'opinion sur la question).

En décortiquant la colonne des indécis (26%!), on constate que le désabusement des électeurs touche plus durement Jean Charest. Parmi ceux qui ont voté libéral il y un peu plus de 18 mois, 21% disent maintenant ne pas savoir à qui ils donneraient leur vote (cette proportion est de 9% chez les péquistes). C'est évidemment du côté des électeurs de l'ADQ que l'on compte le plus d'indécis (29%). Ce sont les orphelins de Mario Dumont.

Même si elle ne profite pas pleinement des malheurs des libéraux, Pauline Marois conduirait son parti vers une majorité s'il y avait des élections ces jours-ci. Avec près de 40% des intentions de vote (après répartition des indécis), une avance marquée de 45-24% chez les francophones et un score anémique de l'ADQ, le Parti québécois raflerait la majorité (Québec solidaire et le Parti vert récoltent chacun 8%, un score artificiellement élevé entre les élections).

Bien sûr, nous sommes à plus de deux ans des prochaines élections, une éternité en politique, mais avec des intentions de vote aussi faibles et un taux d'insatisfaction de 71%, les libéraux ont toute une côte à remonter.

Autre phénomène troublant pour les libéraux, ils sont particulièrement impopulaires auprès des femmes, qui favorisent le PQ dans une écrasante proportion (42% contre 27%). Jean Charest, qui espère marquer quelques points en réinstaurant la parité hommes-femmes dans son cabinet, a beaucoup de mal à séduire l'électorat féminin.

Le remaniement de cette semaine est-il le premier pas d'une remontée des libéraux? Ce premier sondage laisse croire que non. Pour deux électeurs sur trois, le problème, ce n'est pas les ministres, mais plutôt le premier ministre.

Voici comment un lecteur a résumé la situation jeudi dans un courriel: «On aura beau analyser ce remaniement de tous les côtés et même louer une pépine pour creuser encore plus creux ce nouveau Conseil des ministres, aucun journaliste n'a osé nommer le VRAI problème. On dirait que tous les journalistes et analystes politiques ont peur de le dire publiquement. Je suis certain que, par contre, vous en parlez tous et toutes en privé. Jean Charest doit partir au plus c... car il y va de la situation politique du Québec pour bien des années à venir. (...) Il aura beau danser sur la tête, les Québécois sont incapables d'aller au-delà de toutes les supposées magouilles de son gouvernement. Je comparerais la situation de Jean Charest à celle d'un couple où l'un des conjoints aurait trompé l'autre. Si le conjoint cocu ne veut plus rien savoir de l'autre, ce dernier aura beau «patcher» la situation, IL EST TROP TARD.»

Trop tard?

On a déjà entendu ça, non, à propos de Jean Charest?

Il est vrai que nous parlons, entre journalistes, de l'avenir de Jean Charest. Nous sommes trop nombreux à l'avoir enterré prématurément au cours des dernières années pour nous aventurer dans des prédictions percutantes et définitives sur son avenir.

Mais les libéraux, en effet, sont englués par les «supposées magouilles» et ils devront aborder la question du leadership dans les 18 prochains mois si cette perception perdure.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca