Il y a au moins un élément positif dans notre grand sondage sur votre perception du monde politique.

En fait, pas tant dans le sondage que dans votre réaction au sondage.

Vous êtes découragés, dégoûtés, écoeurés même (on le serait à moins) des politiciens, mais vous n'avez pas tous jeté l'éponge.

C'est le bon point - et le paradoxe - de l'affaire. Vous êtes encore capables de réagir, de vous rebiffer devant la médiocrité, les mensonges et les magouilles.

 

Vous êtes encore capables de vous indigner et, en démocratie, tant qu'il y a de l'indignation, il y a de l'espoir.

Pas tous, bien sûr. Trop d'électeurs sont descendus du train en marche et n'ont aucune intention d'y remonter. Sans compter tous les jeunes qui ont décidé de rester sur le quai, volontairement, par dédain de la chose politique.

Mais ceux qui s'accrochent semblent y croire encore, à en juger par les très nombreux courriels, lettres ouvertes et appels aux tribunes téléphoniques sur le sujet.

Ceux-là sont plus découragés par les politiciens que par la politique et ils n'ont pas perdu tout espoir.

La politique, c'est d'abord une question de perception, et la perception, en cette ère d'hypermédiatisation, est grandement façonnée par l'image que projettent les politiciens.

À Québec, les élus passent le plus clair de leur temps à s'invectiver, à se menacer, à se lancer des quolibets d'un bord à l'autre de l'Assemblée nationale, à s'accuser mutuellement de mentir, quand ils ne badinent ou ne cabotinent pas.

Pas étonnant que les Québécois aient une si piètre opinion de leurs élus. Le ton est mauvais à Québec. Jusque dans les commissions parlementaires, où des serviteurs de l'État défilent devant des députés hargneux qui les traitent comme des prévenus lors d'un interrogatoire de police.

Bref, le petit monde politique à Québec manque autant de substance et de profondeur que de courtoisie et de savoir-vivre.

L'univers politique manque de relève, aussi. Et pas qu'à Québec.

L'expérience, en politique comme ailleurs, est une valeur inestimable, mais le manque de sang neuf cause inévitablement la dégénérescence d'un milieu et le repli sur soi.

Sans sombrer dans la mélancolie du «bon vieux temps», il faut parfois qu'un vol de «colombes» vienne se poser dans la volière politique.

On fera ailleurs et dans un autre temps le bilan des «trois colombes» (Jean Marchand, Gérard Pelletier et Pierre Elliott Trudeau) débarquées à Ottawa en 1965, mais leur arrivée aura certes marqué le début d'un renouveau.

Idem pour les jeunes péquistes de René Lévesque propulsés au pouvoir en novembre 1976.

Jetez un oeil à la scène politique actuelle: Jean Charest, Pauline Marois, Gérald Tremblay, Gilles Duceppe, Louise Harel... Que des politiciens de carrière qui n'ont fait à peu près que ça dans leur vie et qui sont incapables de décrocher. Au moins, Mario Dumont, qui était le plus vieux de nos jeunes politiciens, a pris la sage décision d'aller s'aérer hors de la bulle politique.

Encore une fois, il ne s'agit pas de dévaloriser l'expérience ou de dénigrer l'engagement de ces leaders, mais où est la relève?

Par excès de colère ou par grand découragement, les internautes et les auditeurs d'émissions radiophoniques demandent s'il existe une façon de mettre Jean Charest à la porte avant la fin de son mandat. (La réponse est non. Ce sont les partis politiques qui peuvent éjecter leur chef, mais au PLQ, ce n'est pas dans les pratiques de la maison.)

De toute façon, avant de fantasmer sur le départ de Jean Charest, posons d'abord la question: qui le remplacerait?

Vous voyez un candidat naturel, homme ou femme? Quelques noms vous viennent spontanément en tête? Moi pas. Les ministres Nathalie Normandeau et Raymond Bachand ont certes des ambitions, mais ils n'ont pas nécessairement le réseau et l'ascendant pour devenir chef.

La liste de prétendants serait plus longue au Parti québécois (Gilles Duceppe, François Legault, Joseph Facal, Bernard Drainville), et l'élection de nouveaux députés depuis 2007 aura permis un certain rajeunissement.

Chez les libéraux, on ne peut pas dire que les années Charest auront favorisé l'éclosion d'une relève foisonnante.

De plus, les histoires troubles de financement ne feront qu'aggraver la pénurie.

C'est un cercle vicieux: déjà dévalorisée, la profession politique est éclaboussée, encore une fois, par des allégations de financement douteux et de favoritisme, ce qui fait qu'il sera encore plus difficile de récolter appuis et argent pour se faire élire... ce qui fait qu'il sera encore plus difficile de recruter de nouveaux candidats.

À force d'être trop gourmand, le Parti libéral a peut-être bien tué sa poule aux oeufs d'or.

Qui sera assez fou pour se présenter sous la bannière libérale, même pour un poste de ministre, avec l'obligation de récolter au moins 100 000$ par année et la certitude de se faire «picosser» chaque fois qu'un ami fait un don de quelques centaines de dollars?