Les ministres du gouvernement Charest peuvent répéter qu'il est parfaitement légal pour un entrepreneur de donner à un parti politique sur une base personnelle, reste que lorsque le Directeur général des élections (DGE) envisage de punir un des plus généreux donateurs libéraux pour accrocs répétés aux règles de financement, ça commence à être gênant.

C'est, en effet, ce à quoi s'expose Paolo Catania, selon des informations recueillies hier.

De 2000 à 2008, la famille Catania, acteur important du monde de la construction, et certains cadres de l'entreprise ont donné plus de 150 000 $ au Parti libéral. Jusque-là, rien d'illégal. Disons seulement que ces gens aiment vraiment le PLQ.

Le problème, comme l'a expliqué hier mon collègue Denis Lessard, c'est que l'un des membres du clan, Paolo Catania, fils du patriarche Frank, a dépassé la limite annuelle permise de 3000 $ par personne quatre fois (700 $ en 2003, 2800 $ en 2004, 800 $ en 2005 et 1000 $ en 2007), forçant le DGE à rembourser 5300 $ à ce donateur trop enthousiaste. Le PLQ avait encaissé les contributions, ce n'est qu'après l'intervention du DGE que l'argent a été remis

à M. Catania.

Une fois, passe encore, c'est probablement une erreur, mais quatre fois, c'est plus que de l'étourderie. Nous sommes en présence d'un donateur compulsif, qui doit être mis au pas, croit le DGE. (M. Catania, par la voix de son avocat, a affirmé qu'il y a, en réalité, deux Paolo Catania, mais le DGE maintient qu'il s'agit bel et bien du même homme utilisant

deux adresses différentes.)

De guerre lasse, le DGE, organisme qui n'est pas reconnu pour son interventionnisme intempestif, évalue maintenant le recours à l'approche pénale, c'est-à-dire d'imposer des amendes à Paolo Catania. Pas bien grosses, ces amendes, et pas question de priver le bonhomme de son droit de vote ou même de son droit de contribuer (rien dans la loi ne le permet), mais il s'agit tout de même d'un avertissement sévère. Et d'un sérieux coup de règle sur les doigts du PLQ.

Les ministres libéraux ont parfaitement raison de dire que donner de l'argent à un parti politique est tout à fait légal. C'est même un geste noble dans une démocratie comme la nôtre, mais il faut tout de même s'interroger sur les réelles motivations de certains serial contributors.

Lorsque toute une famille et ses employés donnent de l'argent à un parti, c'est par amour de la démocratie ou c'est pour faire une plus grosse somme ? À 3000 $ par année, on vous envoie une carte de Noël «générique» présignée électroniquement par le chef. À 150 000 $ en huit ans, on se rappelle probablement votre petit nom.

Bien des questions se posent aussi pour les très nombreux donateurs, organisateurs et sympathisants libéraux qui ont obtenu des permis de garderies subventionnées par Québec. Un ou deux, c'est anecdotique. Une douzaine, dont plusieurs sont membres du comité exécutif de l'association de comté du ministre de la Famille, ça ressemble plutôt à un régime de faveur.

Voici comment un propriétaire de garderies m'a résumé la situation il y a quelque temps : «Les contributions aux partis politiques sont faites non pas pour obtenir des faveurs, mais pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'obstacles à votre demande de permis. Si votre député vous demande d'acheter une table à un souper-bénéfice pour 10 personnes, à 200 $ chacune, vous savez bien que ces 2000 $ ne vous achètent rien, mais pouvez-vous vous permettre de dire non?»

Précisons que le bonhomme en question connaît très bien le ministre Tony Tomassi.

Toutes ces révélations sur les garderies, comme celles, explosives aussi, faites par Amir Khadir sur les liens entre certaines firmes de génie-conseil et le PLQ, ne font que renforcer cette impression largement répandue que «tout est pourri au Québec». Une impression fausse, évidemment, mais ce ne sont pas les réponses pitoyables du gouvernement qui aideront à assainir l'atmosphère.

Ce qui n'est pas une fausse impression, c'est que le gouvernement Charest est complètement paralysé en ce début de session. Il semble s'embourber un peu plus profondément chaque jour, d'ailleurs, ce qui est plutôt inquiétant à quelques jours du dépôt d'un budget crucial.

Ce gouvernement est tellement tétanisé qu'il n'a même plus le réflexe, primaire pourtant en de pareilles circonstances, de faire diversion en faisant quelques annonces spectaculaires. M. Charest voulait avoir les deux mains sur le volant, mais il conduit ces temps-ci avec les deux pieds sur le frein.

Son obstination à ne pas déclencher une enquête publique sur le monde de la construction (et, pourquoi pas, élargie au financement des partis) s'est transformée en sabot de Denver pour son gouvernement.

Il devient chaque jour plus difficile, pour le gouvernement, de justifier son inaction. Selon les opposants à une enquête publique, ce genre d'exercice dérape rapidement et éclabousse tout le monde, à commencer par les honnêtes gens.

Cet argument ne tient clairement plus la route. En ce moment, ce sont les rumeurs, les allégations, les versions contradictoires entre le premier ministre et un ancien ministre, les conférences de presse musclées, les révélations à l'Assemblée nationale ou dans les médias, la grogne populaire et même les légendes urbaines qui malaxent les ingrédients les plus disparates en une pâte difforme et de plus en plus indigeste.

Une commission d'enquête calmerait le jeu, tout en mettant un peu d'ordre dans ce foutoir qu'est devenue la scène politique québécoise.