N'eût été les sommes en cause et la mauvaise foi évidente du gouvernement à répondre aux questions les plus élémentaires sur la gestion des deniers publics, cette histoire de contrats serait plutôt cocasse.

Voilà un gouvernement qui vient de nous dire qu'il faudra faire des sacrifices dans tous les secteurs de l'État pour rétablir l'équilibre dans les finances publiques, mais qui semble incapable de limiter ses dépenses pour des choses aussi banales que des ampoules et des interrupteurs. Et qui se cache derrière des prétextes (protection de renseignements commerciaux) pour ne pas fournir davantage d'explications.

 

À lire le texte de mon collègue Hugo de Grandpré, c'est à croire que le gouvernement fédéral et son fournisseur sont «victimes» des règlements touchant, notamment, les corps de métier spécialisés. Victimes aussi d'abus évidents, comme si le gouvernement fédéral n'avait pas le gros bout du bâton lorsqu'il accorde des contrats de cette importance.

Pourtant, dans le discours du Trône et le budget de la semaine dernière, le gouvernement Harper a joué la carte du bon père de famille qui doit se montrer responsable avec l'argent des contribuables.

«Nous procédons de la même manière que les familles canadiennes lorsqu'elles gèrent le budget du ménage», a dit ainsi le ministre des Finances, Jim Flaherty, aux Communes en lisant son budget.

Comme les familles? Le nombre de faillites personnelles risque d'augmenter si les Canadiens gèrent effectivement leur budget comme le gouvernement dans ce contrat.

Plus loin, M. Flaherty a ajouté: «Nous veillons à avoir les moyens de faire les dépenses (sic) soutenues qu'il faut pour répondre (re-sic) aux priorités des Canadiens.» Vraiment?

Et plus loin encore, toujours dans le budget: «Nous allons aussi examiner de près toutes les dépenses des ministères pour garantir l'optimisation des ressources et des résultats concrets. Les familles et les entreprises du Canada reconnaissent qu'il faut de la retenue. Par souci d'équité, le gouvernement devrait lui aussi garder le contrôle de ses coûts.»

Eh bien, voilà une belle occasion, et une belle place, pour mettre ces bonnes paroles en pratique!

À moins que nous ne soyons devant un autre cas classique de «faites ce que je dis mais pas ce que je fais».

À moins que les premières mesures de restrictions budgétaires annoncées par Ottawa ne soient que de la poudre aux yeux. Comme le gel prévu du salaire des élus, qui ne rapportera qu'un million par année. On remplace combien d'interrupteurs avec un million? Ou ces compressions de postes, dont 90% sont déjà vacants...

L'exercice de rationalisation et de compressions lancé par le gouvernement la semaine dernière repose sur la discipline au sein de la machine de l'État et sur la confiance de la population envers cette machine. Avec cette histoire, nous perdons l'un et l'autre. La machine a clairement perdu la maîtrise, ce qui mine la confiance des contribuables.

De plus, comme cela lui arrive trop souvent, le gouvernement Harper piétine les principes de transparence en niant le droit à l'accès à toute l'information.

De telles affaires ne font qu'entretenir la méfiance et l'impression répandue que «c'est toujours la même chose», peu importe la couleur du gouvernement. Il faut noter, d'ailleurs, que ce contrat particulier a été d'abord entériné par les libéraux, puis reconduit par les conservateurs.

Toujours la même chose, avec, peut-être, les mêmes gens et les mêmes pratiques. Des organisateurs politiques, par exemple, qui s'organisent aussi entre eux, au passage des contrats.

Cette histoire sent mauvais.

Quelqu'un aurait-il le numéro de Sheila Fraser sous la main?