Lorsque Gilles Taillon est devenu chef de l'ADQ en lambeaux, il y a trois semaines, bien peu de gens, y compris dans son propre parti, lui prédisaient des jours fastes.

La plus élémentaire des civilités exigeait tout de même qu'on lui accorde une chance. Ne serait-ce que par respect pour les Québécois qui croyaient encore à cette troisième voie.

 

Lorsque l'on a appris quelques jours plus tard qu'il devait, en fait, sa victoire à un seul vote enregistré par le génial Infoman caché sous le nom du défunt Omar Bongo, c'est devenu franchement burlesque. La décence élémentaire dictait toutefois de ne pas en rajouter, de ne pas tirer sur les ambulances, comme disait Robert Bourassa.

Idem lorsque Sylvie Roy s'est mise la semaine dernière à tirer dans toutes les directions sous le couvert de son immunité parlementaire. Le gouvernement Charest, qui ne tolère pas les questions sur son intégrité, a sorti une masse pour écraser la mouche qui lui tournait autour des oreilles, mais cela a été aussi grossier qu'inutile, puisque les derniers survivants de l'ADQ manifestent un empressement pathologique à orchestrer leur propre disparition.

Depuis hier, le burlesque a tourné au pathétique avec la démission de deux de ses députés (un tiers du caucus) et des révélations sur des manoeuvres inappropriées pour élire le chef actuel.

Pitié, assez!

Combien de temps encore ce parti creusera-t-il sa propre tombe? Quel est le prochain épisode loufoque des joyeux naufragés de l'ADQ? Que reste-t-il de crédibilité à son nouveau chef?

Que reste-t-il de l'ADQ, point? À l'Assemblée nationale, quatre députés dirigés par un chef absent, dont Sylvie Roy, qui s'est complètement discréditée avec ses attaques à l'emporte-pièce contre le gouvernement, et François Bonnardel, entaché par cette histoire de financement par les dirigeants du parti au profit de Gilles Taillon.

Sur le terrain, quelques milliers de membres démobilisés (on le serait à moins), dont seulement un tiers s'est donné la peine de voter au téléphone le mois dernier pour choisir le nouveau chef. Combien de membres sont partis après les «révélations» d'Infoman? Combien s'en iront maintenant, à la suite des députés Éric Caire et Marc Picard? Qui voudra encore s'engager et donner de l'argent à l'ADQ?

Le départ d'Éric Caire fait d'autant plus mal que ce député, rescapé de la débâcle de décembre 2008, représentait ce qui a toujours caractérisé l'ADQ et ce qui expliquait son pouvoir d'attraction auprès d'un électorat: jeune parent de tendance centre-droite qui ne se reconnaît plus dans les «vieux» partis.

Après avoir accordé, en mars dernier, un certain statut à l'ADQ à l'Assemblée nationale (budget de recherche, participation à la période des questions), il sera difficile de l'en priver maintenant. Ce serait pourtant lui rendre un précieux service. On peut garder l'ADQ sur le respirateur encore des mois (le gouvernement, après tout, préfère probablement «brûler» du temps à la période des questions en donnant de l'espace à un parti en déroute plutôt qu'au Parti québécois) ou on peut abréger ses souffrances (et les nôtres). Cela ne veut pas dire que les députés élus sous la bannière adéquiste n'ont aucune valeur et aucune légitimité, bien au contraire. Cela ne veut pas dire non plus que les idées qu'ils ont défendues au cours des dernières élections se sont évaporées. Mais à l'évidence, le véhicule ADQ n'est plus qu'une carcasse condamnée à rouiller dans l'arrière-cour de la politique québécoise.

Gilles Taillon, quant à lui, devrait se rendre à l'évidence: il n'a ni la poigne ni le charisme (sans parler d'une légitimité douteuse) pour ressusciter ce parti.

La dernière chance qu'il reste à l'ADQ, infinitésimale, entendons-nous, passe peut-être par Gérard Deltell, un jeune politicien doué qui a su rester en dehors des folies qui ont mené l'ADQ où elle est aujourd'hui.

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