«Bonjour, ici Jacques Demers, le sénateur...»

Des électeurs de Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup ont eu toute une surprise ces derniers jours en décrochant leur téléphone.

C'était Jacques Demers, du moins un message préenregistré de Jacques Demers, qui les incitait à voter pour le candidat conservateur, Bernard Généreux, à l'élection partielle du 9 novembre.

«Votez conservateur», disait le message du nouveau sénateur nommé par Stephen Harper le mois dernier, reprenant le slogan de son parti: «On veut de l'action, pas des élections» (générales, s'entend).

 

Dans le milieu des affaires, on parle de «retour sur investissement». Pour Stephen Harper, ce serait plutôt un «retour sur nomination»: je te nomme sénateur, on utilise ton nom, ta voix, et ta notoriété au besoin.

Un homme sollicité, le sénateur Demers. En plus de siéger à la Chambre haute (on le dit assidu), il fait de la pub pour un concessionnaire auto (en disant bien qu'il est sénateur), pour Loto-Québec (sans son titre d'honorable) et pour son parti.

Pour une partielle qui s'annonçait pépère après le départ du très populaire bloquiste Paul Crête (battu au provincial dans une partielle en juin), ça brasse pas mal dans Rivière-du-Loup.

Des sondages internes placent le Bloc québécois en avance, mais on est loin des marges dont bénéficiait Paul Crête. Les intentions de vote tournent autour de 37% pour le Bloc, 30% pour les conservateurs, 19% pour les libéraux et 5% pour le NPD. En octobre 2008, lors des dernières générales, Paul Crête avait conservé son siège avec 46% des voix, une avance de plus de 15% sur le Parti conservateur.

Dans une partielle, toutefois, les résultats sont souvent étonnants et le taux de participation est généralement plus bas, ce qui peut nuire au favori. Si les électeurs ne «sentent» pas les enjeux, si les partisans du favori sont persuadés que leur parti gagnera, s'il neige, bien des gens peuvent décider de rester à la maison, ouvrant la porte à des surprises.

Cette fois les conservateurs misent sur la notoriété régionale de leur candidat, Bernard Généreux, ex-maire de La Pocatière. Le Bloc est représenté par Nancy Gagnon, les libéraux par un ex-maire du coin aussi, Marcel Catellier, et le NPD par François Lapointe.

La course se déroule entre le Bloc et les conservateurs, qui ne ménagent pas les efforts. Gilles Duceppe s'est rendu hier dans le comté, sa troisième visite. Du côté conservateur, les ministres Denis Lebel, Christian Paradis et Josée Verner se sont arrêtés dans la circonscription (de coutume, le premier ministre canadien ne visite pas un comté à l'occasion d'une élection partielle).

Du côté libéral, pas vraiment dans la course, le chef Michael Ignatieff n'a pas mis les pieds dans le comté, mais, surprise, surprise, c'est Denis Coderre qui est allé prêter main-forte au candidat Marcel Catellier vendredi dernier. Début de réhabilitation après sa sortie fracassante il y a un mois? Chose certaine, le bureau de Michael Ignatieff était dans le coup.

Son message à Rivière-du-Loup était plus conciliant que celui lancé contre la «garde rapprochée de Toronto». «Avec Michael Ignatieff, nous présenterons une équipe à laquelle les Québécois pourront s'identifier», a dit M. Coderre aux médias locaux.

M. Coderre doit savoir que son parti n'a pas grand chance dans ce coin. Il sait bien aussi que seul le Bloc peut empêcher les conservateurs de prendre ce comté.

À la veille de l'Halloween, les conservateurs dépêchent aujourd'hui un gros canon dans le comté, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, question de dénoncer ce qu'ils appellent la campagne de peur du Bloc québécois.

Le Bloc, son chef en tête, affirme en effet que le gouvernement conservateur est en train de négocier en secret des clauses du Buy America Act avec Washington, qui assujettirait des villes canadiennes, dont Montréal. Qu'est-ce que le Buy America Act vient faire dans Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup?

Selon le Bloc, cette entente menacerait le contrat du métro de Montréal à Bombardier, qui a une usine de train à La Pocatière, puisque la métropole devrait ouvrir ses appels d'offres aux entreprises américaines en contrepartie d'une ouverture des contrats publics américains aux entreprises canadiennes.

La candidate Nancy Gagnon a dégoupillé cette grenade cette semaine lors d'un débat entre candidats (auquel le libéral n'a pas participé) et son chef Gilles Duceppe a lui aussi brandi cette menace, hier, reprochant au gouvernement Harper de négocier en secret des clauses dommageables pour l'économie québécoise.

Le coup a porté puisque les conservateurs ont mobilisé d'urgence Lawrence Cannon, plus habitué ces temps-ci à voyager en Asie, dans les grandes capitales européennes ou au Moyen-Orient que dans le Bas-Saint-Laurent.