Gilles Taillon, le nouveau chef de l'ADQ, a été élu par deux petites voix devant son plus proche adversaire; il a été choisi au deuxième tour par 50,03% des quelque 30% d'adéquistes qui ont voté (au téléphone) en fin de semaine, ce qui signifie qu'il devient chef du troisième parti avec moins de 2000 votes; il n'a pas de siège à l'Assemblée nationale et aucun comté «prenable» en vue à court terme; son caucus, dans lequel se trouve son principal adversaire, est divisé et, comme si ce n'était pas assez, le nouveau chef doit subir dans les prochaines semaines des traitements de radiothérapie pour stopper une récidive de cancer de la prostate.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Gilles Taillon n'a pas peur des défis. Et que l'ADQ n'est pas sortie de l'auberge.

 

Le plus célèbre des clichés en politique veut que six mois, c'est une éternité et que tout peut se produire, mais si Gilles Taillon devait un jour ramener l'ADQ sur la voie de la prospérité électorale, on pourra alors parler de miracle.

La liste des défis qui se dressent devant M. Taillon remplirait un spread de mon journal (c'est ainsi que l'on nomme le traitement d'un sujet sur deux pages adjacentes), mais allons à l'essentiel pour le moment: cohésion du caucus, unité des troupes, loyauté des individus, à commencer par les députés.

Il y a toujours des morceaux à recoller après une course à la direction, c'est normal. Cet exercice est toutefois plus facile lorsque le nouveau chef est parmi son caucus, au Parlement, ou alors très présent dans les environs. La transition est aussi plus douce lorsque le pouvoir est à portée de main. Ce n'est pas le cas à l'ADQ.

M. Taillon devra d'abord s'occuper de sa propre santé et revenir en pleine forme, ce que je lui souhaite sincèrement.

Cela dit, son absence à Québec ne facilitera pas les choses. Déjà, pendant la course à la direction, son principal rival, le député Éric Caire, avait manifesté son agacement de voir M. Taillon faire une course «allégée» en raison de sa maladie.

Des six députés de l'ADQ, deux étaient neutres dans la course (la chef intérimaire, Sylvie Roy et Gérard Deltell), deux étaient avec Éric Caire (M. Caire lui-même et Marc Picard) et deux appuyaient M. Taillon (François Bonnardel et Janvier Grondin).

Les derniers mois ont donné lieu à de sérieux accrochages entre MM. Taillon et Caire, le premier critiquant ouvertement le style trop «agressif» du second.

Clairvoyant, voici comment M. Taillon entrevoyait la suite des choses, en août, deux mois avant sa victoire: «Vous ne me trouverez jamais sur une scène pour faire de la boxe, à commencer à engueuler mes adversaires. On est dans le même parti. Je vais être obligé de ramasser ça un jour.»

Il ne serait pas surprenant de voir le député de Shefford, François Bonnardel, le plus loyal partisan de M. Taillon, prendre du galon dans la députation adéquiste dans les prochains jours.

Il sera intéressant aussi de voir quel sort le nouveau chef réservera à Sylvie Roy, qui s'est fort bien acquittée de sa difficile tâche de chef intérimaire d'un parti en perdition au cours des derniers mois, en particulier dans les dossiers d'éthique et de transparence.

Dans le reste du caucus, on ne peut pas dire que les appuis au nouveau chef soient très impressionnants. Le député de Beauce-Nord et président du caucus, Janvier Grondin, s'est rallié à M. Taillon en toute fin de course, précisant toutefois que cet appui est conditionnel à la performance de celui-ci.

«On verra, a expliqué M. Grondin lorsqu'on lui a demandé si M. Taillon sera aux commandes de l'ADQ aux prochaines élections. Si dans un an, l'ADQ est à 40% dans les sondages, je dis: Bravo. Si ça ne va pas bien? Vous pouvez me poser la même question pour mon mariage. Si ça ne va pas bien l'année prochaine, je ne sais pas ce que je vais faire.»

Parlant de mariage, celui entre l'ADQ et Gilles Taillon tient plus de la raison que de la passion. Pour un parti à ce point fragilisé, M. Taillon représente le calme, une certaine expérience, en plus d'être le plus connu des trois aspirants chefs.

Cela en fait un bon chef de transition. Mais saura-t-il relancer l'ADQ, ce parti qui a connu ses plus grands succès grâce au flair de son ancien chef et à ses sorties percutantes qui canalisaient la frustration et la colère de l'électorat?

Vous croyez aux miracles?