Fidèle à sa réputation d'agitateur politique et de brasseur de cage trop tranquille, le président de la Fédération des médecins spécialistes, Gaétan Barrette, a lancé un pavé dans la mare cette semaine en affirmant qu'il est temps que le Québec fasse un débat sur l'euthanasie.

Le meilleur ennemi du Dr Barrette, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a saisi la balle au bond pour exprimer son accord, ce qui doit bien être une première entre les deux hommes!

 

Reste maintenant à voir si le débat si courageusement relancé s'éteindra (encore une fois) dans le malaise tenace du milieu médical et la peur chronique de déplaire du gouvernement. Mais pour le moment, il faut saluer l'audace de MM. Barrette et Bolduc.

Un autre sujet, moins émotif mais presque aussi tabou, tente valeureusement de percer dans le paysage politique ces temps-ci: les taxes. Et il faut aussi saluer le courage de ceux qui ont accroché le grelot fiscal.

On dit souvent à la blague que, dans la vie, il n'y a que deux certitudes: payer des taxes et mourir. Pourtant, les politiciens, de tout temps, ont bien du mal à parler ouvertement de ces deux sujets. Peut-être parce que, dans le fond, la population ne veut pas vraiment en entendre parler.

Mis à part cette blague, il n'y a évidemment aucun rapport entre euthanasie et taxes, sinon que le contexte actuel ne nous permet plus d'éviter de tels débats.

Le vieillissement de la population, la croissance incessante des coûts de la santé et le dilemme entre traitement et acharnement thérapeutique imposent une réflexion froide sur l'euthanasie, tout comme la détérioration rapide des finances publiques rend incontournable le débat sur les taxes, les impôts et les tarifs. Même si la population préfère ne pas en parler. Même si le sujet n'est pas rentable politiquement.

Laissons la mort de côté pour le moment; parlons taxes.

Lors de la présidentielle américaine de 1984, le candidat démocrate Walter Mondale avait causé une commotion en affirmant que l'ampleur du déficit ne laisserait d'autre issue à la prochaine administration, la sienne ou celle de Ronald Reagan, que d'augmenter les impôts. «Reagan ne vous le dira pas, mais moi, je vous le dis», avait lancé M. Mondale, faisant le pari de la franchise.

Le candidat démocrate avait gagné des points dans les jours suivant sa déclaration, mais il s'était ensuite effondré devant Ronald Reagan, qui avait décidé de peindre un tableau économique beaucoup plus rose.

La suite est connue: le déficit a continué de s'aggraver sous Reagan, au point où son successeur, George Bush père, a dû infliger aux Américains une hausse d'impôts historique malgré sa fameuse promesse lors de la campagne électorale de 1988 («Read my lips», vous vous souvenez?).

Walter Mondale avait raison, mais les Américains ont préféré la joviale version de Ronald Reagan, puis les promesses de Bush... pour finalement virer Bush en 1992 parce qu'il les avait trompés!

Un vieux dicton écossais résume parfaitement l'aveuglement fiscal volontaire des électeurs américains: «Si tu me trompes une fois, honte à toi. Si tu me trompes une deuxième fois, honte à moi.» Cela s'applique aussi ici, d'ailleurs.

En politique, c'est l'évidence, il n'a jamais été payant de parler de hausse de taxes et d'impôts. Parlez-en à Michael Ignatieff, qui se débat depuis des mois parce qu'il a vaguement laissé entendre qu'un gouvernement libéral pourrait être forcé d'augmenter les impôts pour rétablir l'équilibre budgétaire.

En fait, tout ce que M. Ignatieff a dit l'hiver dernier, c'est qu'il ne peut d'emblée exclure des hausses d'impôts.

La semaine dernière, un haut dirigeant libéral a indiqué à La Presse Canadienne que M. Ignatieff s'apprêtait à parler ouvertement de hausses d'impôts aux Canadiens, ce qui a provoqué un démenti empressé du principal intéressé.

Pourtant, quelqu'un croit-il vraiment que l'on pourra éponger un déficit de 60 milliards sans augmenter les revenus du gouvernement ou réduire radicalement les dépenses?

Avec le soudain et spectaculaire retour des déficits, le Canada et le Québec devraient répondre franchement à cette question, comme Walter Mondale il y a 25 ans, plutôt que de mettre les lunettes roses de Ronald Reagan.

On peut croire, comme les conservateurs à Ottawa, que le retour à la croissance seule effacera l'impressionnant déficit que nous sommes en train de creuser, ou affirmer, comme le gouvernement Charest à Québec, que nous n'y arriverons pas sans nouveaux revenus (augmentation de 1% de la TVQ et des tarifs d'Hydro-Québec, notamment).

La deuxième hypothèse est certes plus désagréable, mais néanmoins beaucoup plus crédible.

Même chose à Montréal. Le maire sortant Gérald Tremblay refuse, contrairement à son adversaire Louise Harel, de tomber dans la facilité et le racolage électoral en promettant un gel des taxes.

«Compte tenu de la conjoncture économique, des taux d'intérêt imprévisibles et de la baisse de revenus appréhendée, il est totalement irresponsable de promettre un gel de taxes pour 2010», a expliqué M. Tremblay.

Ce n'est certainement pas ce que voudraient entendre les électeurs montréalais, mais cela a le mérite - rare en politique - d'être franc et honnête.