Facile de mesurer le niveau de confiance d'un parti politique en temps de gouvernement minoritaire: suffit d'évaluer à quel prix ce parti est prêt à vendre son appui au gouvernement menacé de renversement.

Apparemment, le NPD n'est pas rassuré à l'idée de repartir en campagne. Son chef, Jack Layton, semble en effet disposé à vendre à Stephen Harper le poids crucial des 36 voix de son caucus pour un plat de lentilles.

 

Il suffirait, a expliqué hier M. Layton, que Stephen Harper fasse un geste pour répondre à l'une des demandes traditionnelles du NPD, comme les frais sur cartes de crédit ou sur l'assurance emploi.

Quel geste? Quelles sont exactement les demandes du NPD? M. Layton ne les a pas détaillées, se contentant de dire que la balle est dans le camp de Stephen Harper et que celui-ci doit tendre la main le premier.

Tout un contraste avec les derniers mois durant lesquels les néo-démocrates ont répété sur tous les tons de la gamme que les conservateurs ne méritaient plus leur confiance. Le prix du caucus du NPD est en baisse, ses principes aussi.

Il y a une dizaine de jours à peine, Jack Layton sortait d'une rencontre avec Stephen Harper en affirmant que ce dernier ne voulait rien savoir et qu'un rapprochement était impossible. Soudainement, les conservateurs sont devenus fréquentables pour les néo-démocrates...

Fallait entendre Thomas Mulcair, mercredi soir au magazine 24/60 sur RDI, expliquer à Anne-Marie Dussault que le NPD avait travaillé fort pour obtenir la balance du pouvoir aux Communes et que c'est son devoir d'utiliser ce pouvoir pour faire fonctionner le Parlement.

Ah bon? Le NPD vient apparemment de se rendre compte qu'il a la balance du pouvoir. En tout cas, c'est la première fois qu'il propose de l'utiliser pour travailler avec les conservateurs.

Selon M. Mulcair et ses collègues du NPD, des élections pour la quatrième fois en cinq ans seraient inutiles et coûteuses. Le député d'Outremont nous a même ressorti l'argument fallacieux par excellence: le coût des élections, 350 millions$. Une telle dépense ne semblait pas déranger beaucoup le NPD en juin, lorsqu'il était prêt à défaire le gouvernement.

Michael Ignatieff se comporte de manière irresponsable, accusent les néo-démocrates. Les mêmes néo-démocrates qui accusaient le même Michael Ignatieff de n'avoir ni principe ni colonne vertébrale chaque fois que les libéraux ont appuyé les conservateurs. Paroles et paroles et paroles, comme le chantait langoureusement Dalida.

On dit souvent que la politique fait des drôles de compagnons de lit, mais un accouplement PC-NPD ne fera jamais des enfants forts. Jack Layton le sait, c'est pour ça qu'il essaye de se présenter aux Canadiens comme le bon gars prêt à faire des compromis, contrairement aux libéraux, qui vont précipiter de nouveau le pays en élections.

M. Layton pourra dire que Stephen Harper a refusé sa main tendue et que les libéraux (et le Bloc), eux, n'ont même pas essayé de tendre la main.

La réalité, c'est que Stephen Harper n'a pas l'intention de se coller sur le NPD. Il l'a fait savoir clairement hier.

Mercredi, son ministre Jason Kenney ridiculisait même les néo-démocrates, ces «idéologues extrémistes de gauche qui boivent leur Kool-Aid».

La campagne électorale, on le voit, est bel et bien commencée. Et avec elle, le cirque politique, les petites manigances et le cynisme qui caractérisent le paysage politique de ce pays.

Cynisme des conservateurs, notamment, qui accusent leurs adversaires de compromettre la reprise économique en déclenchant des élections, mais qui complotent eux-mêmes pour devancer... leur propre chute aux Communes!

Petite manigance qui consisterait ici pour M. Harper à obliger l'opposition à voter contre un programme d'aide à la rénovation annoncé dans le dernier budget. Mais si ce programme était à ce point crucial pour les conservateurs, pourquoi ne l'ont-ils pas fait adopter le printemps dernier, plutôt que d'attendre maintenant?

Du côté du Bloc québécois, pas de surprise: que des demandes, aucun compromis. Au nom des intérêts supérieurs du Québec, élevés au rang de commandements, et dont Gilles Duceppe est apparemment devenu le seul gardien. Demandez, demandez, il manquera toujours quelque chose.

Les demandes du Bloc, c'est comme la queue d'un lézard: vous en coupez un bout le soir et elle a repoussé le lendemain matin.

Le Bloc québécois jouit du luxe inouï d'un parti qui ne prendra jamais le pouvoir: pas de bilan à défendre, que des demandes à formuler.

De toute façon, Stephen Harper n'a rien à gagner au Québec dans ces élections. Il ne fera donc pas d'efforts pour plaire à un électorat qui lui a tourné le dos (par sa grande faute, d'ailleurs) l'an dernier.

Ce qui soulève des questions sur la stratégie publicitaire éventée du Parti libéral, qui consisterait à présenter Michael Ignatieff au Canada anglais et à taper sur Stephen Harper au Québec.

À moins que les libéraux jugent trop risqué d'attaquer Gilles Duceppe, leur véritable adversaire au Québec.