Des sondages favorables la fin de semaine dernière, un gain dans Rivière-du-Loup lundi et, en plus, la démission du plus coriace adversaire à son gouvernement, éventée le jour même de son anniversaire, le 24 juin.

Vraiment, Jean Charest n'en demandait certainement pas tant.Pour les libéraux, le départ de François Legault est une autre preuve du bon alignement des astres. Pour le Parti québécois, c'est un autre morceau de ciel tombé sur la tête.

Non pas que la démission de François Legault soit si surprenante. On le savait las depuis quelque temps. Tellement qu'en l'entendant, la semaine dernière, dire que le Québec devrait avoir le courage de s'attaquer aux «vaches sacrées», des collègues du député de Rousseau ont immédiatement compris qu'il envoyait une dernière salve avant de partir.

Impatient devant la lenteur de la «machine» lorsqu'il était au pouvoir, l'opposition ne pouvait que devenir un supplice pour cet ex-dirigeant d'Air Transat.

En plus, il avait dit lui-même, en entrant en politique en 1998, qu'il se donnait 10 ans. Cet engagement visait surtout à convaincre sa femme qui, contrairement à lui, n'a aucune attirance pour la politique.

Après 11 ans en politique, et au moment où le PQ est collé à l'opposition pour au moins trois ans encore, le départ de François Legault n'est donc pas une surprise. Mais il tombe, pour Pauline Marois, à un bien mauvais moment, soit à la toute fin d'une période difficile et au moment où l'économie, la tasse de thé de M. Legault, occupe toute la place dans les débats publics.

Au PQ, même s'il y est resté plus de 10 ans, François Legault a toujours été considéré comme un outsider. Considéré comme le «chouchou» de Lucien Bouchard à ses débuts, il n'était pas le gars le plus populaire parmi des collègues ministres.

D'autres le trouvaient trop à droite, ce qui le rendait irrémédiablement louche. En proposant des changements au sacro-saint modèle québécois ou en suggérant d'abattre quelques vaches sacrées, M. Legault n'aura fait que braquer ses adversaires au sein de son propre parti. Sa démission, c'est un peu la victoire (encore une fois) du statu quo.

Au PQ, certains se méfiaient aussi de François Legault parce qu'il venait du milieu des affaires, plutôt hostile au mouvement souverainiste. Pis encore, disaient encore d'autres, il y avait fait fortune.

Après le départ de Lucien Bouchard, au moment où on ne savait pas encore s'il y aurait une course à la direction, je me souviens d'une conversation avec des péquistes qui parlaient avec mépris de François Legault comme d'un «petit comptable qui a fait fortune dans une compagnie aérienne à rabais»... C'est dire le peu de considération.

En effet, François Legault a réussi en affaires, il a le «profil» entrepreneur et des amis dans ce milieu, il s'y connaît en chiffres et il est (un peu) plus à droite que l'immense majorité de ses anciens collègues. On peut voir tout cela comme d'horribles défauts. Ou alors, ce qui est sans doute plus près de la réalité, comme des caractéristiques dont le PQ manque cruellement. En ce sens, son départ ne fait qu'aggraver la pénurie de députés qualifiés en économie et en finance.

En plus de priver de son centre le premier trio d'attaquants de l'équipe de l'opposition de Pauline Marois au moment où les batailles politiques se disputent sur la patinoire de l'économie, la démission de M. Legault soulève une autre question: qui est la référence en économie au PQ maintenant? Pas seulement le ministre des Finances en attente (on a vu, de tout temps, des députés plus ou moins compétents accéder à ce poste crucial), mais qui est l'autorité en matières économique et financière de l'option souverainiste?

De tout temps, le PQ a su attirer et envoyer à l'avant-scène des personnalités au profil économique costaud.

Que l'on pense, évidemment, à Jacques Parizeau, à Bernard Landry, à Jacques Léonard. Au recrutement (la suite a été moins spectaculaire, mais c'est une autre histoire) de Jean Campeau ou de Daniel Paillé. À Joseph Facal, aussi, qui était, dit-on, intraitable au Conseil du Trésor.

Tout parti qui aspire au pouvoir doit avoir une équipe économique forte, on l'a vu, notamment, lors de la débandade de l'ADQ aux dernières élections. Mais pour le PQ, c'est encore plus important puisque ce parti doit constamment démontrer que le projet souverainiste est aussi viable économiquement.

En tout respect pour les députés du Parti québécois actuellement en poste, le successeur de François Legault aux dossiers économiques ne saute pas aux yeux. (Le nouveau député de Nicolet-Yamaska, Jean-Marie Aussant, a une maîtrise en économie et un bac en administration des affaires, mais il n'est élu que depuis six mois). Ce n'est pas Pauline Marois qui comblera le vide, elle qui a bien du mal, et depuis toujours, à s'imposer comme une leader au «profil économique».

La chef du PQ aurait, dit-on, essayé d'attirer l'économiste Clément Gignac, mais celui-ci, on le sait, a grossi les rangs libéraux de Jean Charest. Raymond Bachand, un ancien souverainiste convaincu, aurait pu être la pierre d'assise économique du Parti québécois, mais il a tourné le dos à l'«option» pour se joindre aux libéraux il y a près de cinq ans déjà.

Pour le PQ, perdre son meneur sur le front économique à l'Assemblée nationale, c'est évidemment une mauvaise nouvelle. Mais pour les souverainistes, ne plus avoir de grand guide économique, c'est autrement plus grave.