Dans une ville envoûtée par les séries éliminatoires, Michael Ignatieff a emprunté une page du grand livre du hockey pour prononcer son premier grand discours de nouveau chef libéral.

La meilleure défensive, dit-on, c'est l'attaque. C'est ce que M. Ignatieff a essayé de faire hier en présentant sa plus grande faiblesse comme une grande qualité.

 

Les conservateurs reprochent à Michael Ignatieff d'avoir vécu hors du Canada une bonne partie de sa vie et de mal connaître le pays qu'il rêve de diriger.

Le chef libéral a contre-attaqué en affirmant que Stephen Harper ne comprend pas le Canada, qu'il pratique la politique de la division et que le pays a perdu son influence sur la scène internationale à cause du gouvernement conservateur.

Si on doit dégager un thème dominant de ce congrès libéral, c'est bien la politique étrangère, un sujet qui a occupé une grande partie des ateliers de vendredi et qui a été repris longuement par Jean Chrétien dans un discours typique de l'ancien chef libéral. L'international a également pris une place prédominante dans le discours d'acceptation du nouveau chef.

Un dicton populaire dit que, en politique, tous les enjeux sont d'abord locaux. Autrement dit, les électeurs seront toujours plus préoccupés par les nids-de-poule dans leurs rues que par les grands débats internationaux.

Accorder autant d'importance à la place du Canada dans le monde, au rôle que le pays peut et doit jouer est donc, à première vue, un pari risqué de la part de Michael Ignatieff. Ne vient-il pas d'ouvrir toute grande la porte à ses détracteurs, qui diront qu'il ne s'intéresse pas aux problèmes internes et qu'il n'a pas de solutions à proposer?

Tout dépend de la suite. Maintenant qu'il est officiellement chef du Parti libéral du Canada, M. Ignatieff n'aura plus le luxe de surfer sur les enjeux. Il devra mettre de l'avant des solutions et dire aux Canadiens pourquoi ils seraient mieux servis par un gouvernement libéral.

Hier, il a d'abord voulu répondre préventivement aux conservateurs en affirmant que c'est Stephen Harper qui ne comprend rien au Canada. Par ailleurs, M. Ignatieff a joué sur la fibre patriotique en insistant sur la place que le Canada doit reprendre dans le monde.

En ce sens, le discours de Michael Ignatieff a été fortement influencé par un certain Barack Obama, qui a lui aussi promis à ses concitoyens de restaurer l'image de leur pays à l'étranger.

Dans le montage audiovisuel qui présentait Michael Ignatieff, ce sont les photos du chef libéral en compagnie de Barack Obama qui ont provoqué les plus forts applaudissements.

Michael Ignatieff n'a pas prononcé le nom du président américain une seule fois, mais on sentait son influence dans tous les grands thèmes de son discours: espoir et unité contre la politique de la division, affaires étrangères et responsabilités internationales, éducation et recherche scientifique, environnement.

On sent aussi chez Michael Ignatieff, par ses références aux guerres auxquelles le Canada a participé, aux sacrifices et aux efforts, un appel au patriotisme commun chez nos voisins du Sud.

Même les mots choisis rappellent Obama. Les mots «we can» sont revenus à quelques occasions dans le discours de M. Ignatieff. Ne manquait que le «yes».

C'est un cliché, mais le plus dur reste à venir pour Michael Ignatieff. Il a été élu chef libéral sans opposition, mais ses adversaires conservateurs, bloquistes et néo-démocrates lui bloqueront la voie vers le pouvoir avec plus de force maintenant qu'il est officiellement chef.

C'est une chose que de s'inspirer du mouvement Obama; c'en est une autre que d'amener des solutions et des propositions concrètes aux problèmes les plus pressants - la crise économique en tête de liste.

Sans surprise, la réplique des adversaires de Michael Ignatieff s'en vient. Les conservateurs ont déjà préparé des publicités négatives affirmant notamment que M. Ignatieff augmentera les impôts des Canadiens. C'est la même stratégie que celle qu'ont employée les républicains contre Barack Obama.

Reste à voir si les attaques des conservateurs auront plus d'impact que n'en ont eu celles des républicains sur le candidat démocrate.

La réponse à cette question est entre les mains de Michael Ignatieff. Il a connu la consécration ce week-end à Vancouver, mais à partir de ce matin il n'a plus droit à l'erreur.