Dans un parti politique, il y a toujours des ultra-optimistes, qui carburent au «spin» positif comme d'autres à la caféine et qui sont même prêts à nier la réalité pour que celle-ci s'adapte à leurs fantasmes.

Il y a les défaitistes, qui ne sont jamais heureux du chef, du programme ou de l'air du temps.

Ces deux premières catégories sont divertissantes, mais peu utiles pour savoir vraiment ce qui se passe dans un parti.

 

Il y a aussi les pragmatiques, qui, en privé vous donnent l'heure juste. C'est ceux-là qu'il faut écouter avec le plus d'attention.

Chez les libéraux fédéraux du Québec, la fin de semaine dernière à Laval, ceux-ci disaient, en gros, ceci: «Vrai, nous sommes en meilleure forme, le moral est à la hausse, mais nous sommes cassés, nous avons une pente énorme à remonter en région contre le Bloc et Michael Ignatieff doit se faire mieux connaître des Québécois.»

Comme de fait, c'est exactement ce que notre sondage CROP dit ce matin: embellie confirmée, mais beaucoup de travail en région contre les indélogeables bloquistes.

Pour les libéraux fédéraux du Québec, ce CROP se résume par la métaphore du verre à moitié plein ou à moitié vide.

D'abord, le verre à moitié plein: à 30% dans les intentions de vote, le PLC est bel et bien ressuscité au Québec.

Le verre à moitié vide: le PLC est encore loin des jours fastes.

Qu'il suffise de rappeler qu'aux élections de 2004, Paul Martin avait obtenu 34% et fait élire 21 députés (sur 75) au Québec. À l'époque, les conservateurs n'avaient obtenu qu'un famélique 9%. Ils sont aujourd'hui, malgré leurs problèmes, à 18%, ce qui signifie qu'ils ne peuvent espérer de percée, mais qu'ils peuvent diviser le vote fédéraliste à la faveur du Bloc dans certains coins du Québec.

Pour le moment, Michael Ignatieff récolte un beau succès d'estime, mais cela, c'est bien connu, ne donne pas toujours des sièges.

Les libéraux vont mieux, c'est indéniable. Mais, froidement, admettons que leur situation pouvait difficilement se détériorer, eux qui ont frappé le fond du baril avec Stéphane Dion.

L'autre constatation, c'est que le Bloc, sans récolter ses scores des meilleurs jours, reste dominant en province.

Cela dit, avec 30% d'intentions de vote, dont 27% chez les francophones, le PLC reste ou redevient compétitif dans une quinzaine de circonscriptions échappées de peu lors des trois derniers scrutins (Ahuntsic, Jeanne-le-Ber, Gaspé, Brome-Missisquoi, Gatineau, Outremont, notamment).

Par ailleurs, l'insatisfaction à l'égard de Stephen Harper semble se cristalliser, au point où il finit troisième à la question: quel chef ferait le meilleur premier ministre (M. Ignatieff, 35%; M. Layton, 22%; M. Harper, 19%).

Charest: Mayday! Mayday!

C'est du jamais vu depuis l'élection du gouvernement Charest, en avril 2003: une chute de 15 points en un mois dans le taux de satisfaction!

Et ce, dès les 100 premiers jours du nouveau mandat majoritaire, obtenu en décembre.

Est-il besoin d'épiloguer plus longuement sur les effets négatifs des pertes de la Caisse de dépôt et du retour aux déficits pour les libéraux de Jean Charest?

Sans surprise, le Parti québécois profite des déboires de son adversaire. Le PQ fait un bond spectaculaire chez les francophones, mais dans l'ensemble, il aurait dû profiter davantage du vide laissé par la déconfiture des libéraux et par la marginalisation de l'ADQ.

En comparant les scores des trois principaux partis aux élections du 8 décembre avec leur résultat dans notre sondage, on voit que le PLQ et l'ADQ ont perdu, à deux, 16 points de pourcentage, mais que le PQ n'en gagne que 5. Les 11 points «flottants» vont plutôt à Québec solidaire et aux verts.

Le taux d'indécis monte aussi en flèche, à 20%. C'est donc dire que les «orphelins» de l'ADQ se cherchent une nouvelle famille politique, mais qu'ils ne sont pas prêts à joindre ni le PQ ni le PLQ.

L'électorat semble avoir des doutes sur Pauline Marois puisque Jean Charest reste, malgré tout, le meilleur candidat au poste de premier ministre, selon CROP.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca