C'est presque une nouvelle, même si elle ne surprendra personne: mine de rien, Gilles Duceppe, l'increvable chef du Bloc québécois, s'apprête à diriger sa sixième campagne électorale, soit une de plus de Pierre Elliott Trudeau et tout juste une de moins que le recordman absolu de la politique canadienne, Mackenzie King.

Les bloquistes vont encore me reprocher de revenir là-dessus, mais pour un parti qui devait mesurer son succès à la brièveté de son séjour à Ottawa, voilà un exploit étonnant.

 

C'est «presque» une nouvelle parce que bien du monde pensait que la campagne électorale de l'automne dernier serait la dernière de M. Duceppe. Eh non! Tel le petit lapin rose Energizer, Gilles Duceppe continue, continue, continue...

Ce qui n'est pas une nouvelle, c'est de constater, encore une fois, que le Bloc demeure un parti dominé par un seul homme, qui règne sans conteste depuis 12 ans et qui n'a aucun successeur connu.

On dit souvent, avec raison, que l'opposition est un rôle ingrat en politique, mais cette position procure également un certain confort.

Voyez Gilles Duceppe: 12 ans à la tête du Bloc québécois, aucun ambitieux pour le pousser en bas de son trône et bientôt une sixième campagne à sillonner les routes familières du Québec sans jamais avoir à défendre un bilan de gouvernement ni présenter un programme pour prendre le pouvoir.

La nouveauté, cette fois, c'est que le Bloc québécois affrontera un nouvel adversaire, Michael Ignatieff. Mais même les libéraux admettent en privé que le Bloc est tellement enraciné au Québec qu'il est pratiquement indélogeable dans une trentaine de circonscriptions.

Parlant de Michael Ignatieff, lui aussi semble bien à l'aise dans son rôle de chef de l'opposition.

En fin de semaine à Laval, au conseil général de l'aile québécoise de son parti, il s'est contenté de surfer sur des idées générales et de lancer un appel aux nationalistes, sans donner de précisions sur les orientations de son parti dans des dossiers précis.

L'appel aux nationalistes, les Québécois l'ont déjà entendu. En fait, depuis deux décennies, les nationalistes «mous» sont au centre de toutes les attentions des partis politiques, fédéralistes comme souverainistes.

Cela ne suffira pas à M. Ignatieff pour déstabiliser le très expérimenté Gilles Duceppe lors de la prochaine campagne électorale.

Pour le moment, «Iggy» reste en retrait. Il profite de son poste discret de chef de l'opposition et il laisse les conservateurs prendre les plombs, mais il devra mettre de la chair sur l'os avant longtemps.

Que pense-t-il, par exemple, de cette demande du gouvernement Charest de récupérer les pleins pouvoirs en culture et en communication, lui ai-je demandé, lui qui venait de faire l'éloge de la nation québécoise?

De toute évidence, le nouveau chef libéral n'est pas chaud à cette idée. «J'ai découvert l'incroyable travail de Robert Lepage à Londres, grâce à l'aide du fédéral. Je crois que le fédéral aura toujours un rôle en travaillant avec la province du Québec pour faire valoir la culture québécoise à travers le monde», a-t-il répondu.

Cette réponse ne plaira ni au gouvernement Charest, ni au Bloc québécois. Elle risque aussi d'entretenir cette perception (réelle et justifiée) que le Parti libéral du Canada reste un champion de la centralisation.

Le dossier de la culture est important parce que les libéraux ont bien l'intention d'en faire un enjeu majeur de la prochaine campagne, profitant du vide laissé par les conservateurs. Déjà, les libéraux ont envoyé, il y a quelques jours dans certains coins du Québec, des dépliants signés Michael Ignatieff dénonçant les coupes conservatrices en culture.

Les libéraux préparent par ailleurs un chapitre complet détaillant leur politique culturelle pour la prochaine campagne électorale.

Autre question litigieuse avec Québec: le milliard en péréquation en moins dans deux ans. Que ferait un premier ministre Ignatieff?

La réponse était plus longue que claire, mais je n'ai pas compris qu'il s'engageait à revoir à la hausse les calculs du gouvernement Harper. Le plus loin qu'il ira, c'est de dire qu'il veut mettre fin à l'improvisation et aux ententes à la pièce avec les provinces (ce qui est cocasse puisque c'est Paul Martin qui a commencé cette pratique chaotique en 2004-2005).

Pour le moment, Michael Ignatieff peut se permettre de rester vague sur certaines politiques, mais viendra un temps, à l'orée de la prochaine campagne, où il devra se mouiller.

Ramener son parti au centre, vers les valeurs libérales est un défi plus compliqué qu'il n'y paraît pour M. Ignatieff.

Il lui faut à la fois courtiser les nationalistes québécois sans se mettre à dos sa base «canadian», en Ontario surtout, et développer des politiques nationales canadiennes sans heurter les sentiments autonomistes au Québec.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca