Les sondages sont mauvais, le moral des troupes à zéro, le recrutement et le financement battent de l'aile et la perspective d'une autre débâcle électorale dans un avenir rapproché hante les conservateurs québécois.

Déçus du piètre résultat des dernières élections et en rogne contre les organisateurs nationaux de leur parti, les bleus québécois attendaient donc beaucoup du nouveau plan d'action qui devait, d'abord et avant tout, doter le Québec d'une aile québécoise propre.

 

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont été déçus, il y a quelques jours, lorsqu'ils ont pris connaissance de ce «plan».

Première déception pour les anciens candidats et militants réunis à Montréal et à Québec le 7 mars: il n'y aura pas d'aile québécoise à proprement parler, une demande maintes fois répétée par la base depuis la campagne ratée de l'automne dernier.

Le parti, les ministres du Québec et le premier ministre Harper avaient laissé entendre, en novembre dernier lors du congrès du PCC à Winnipeg, que le parti se doterait d'une structure distincte au Québec, mais le document présenté il y a 10 jours reprend le modèle de la dernière campagne. On y apprend notamment que les opérations restent entre les mains de l'organisateur national, Doug Finley, établi à Ottawa.

Sur le terrain, les candidats battus et les militants ont reproché, justement, le manque de sensibilité et d'intérêt de M. Finley et de son équipe pour le Québec lors de la dernière campagne. Ils étaient frustrés, en particulier, par la décision du parti à Ottawa de s'obstiner à justifier les coupes en culture ainsi que la décision de serrer la vis aux jeunes contrevenants.

Plus généralement, les conservateurs du Québec reprochaient la lenteur du war room à réagir aux autres partis, l'absence de plan propre au Québec et le manque de moyens.

Paradoxalement, le plan d'action insiste plusieurs fois sur la nécessité pour le PCC d'identifier les «aspects spécifiques» du Québec et d'élaborer les campagnes régionales en fonction de ces aspects spécifiques.

Concrètement, toutefois, le plan d'action ne fait qu'enfiler des généralités du genre: «Gagner plus de sièges au Québec lors de la prochaine campagne électorale, travailler en équipe avec nos associations et nos militants de façon positive, réaliste et efficiente, identifier les enjeux et les priorités, ainsi que les forces et faiblesses de nos circonscriptions, travailler en fonction de ces spécificités».

Dans les rangs conservateurs, c'est la consternation. «Ce que ça veut dire, c'est que Stephen Harper se fiche du Québec, il a fait une croix sur le Québec et il a décidé qu'il peut gouverner sans nous», résume un militant conservateur sous le couvert de l'anonymat.

De fait, les ambitions du Parti conservateur sont devenues extrêmement modestes au Québec. Les organisateurs de Stephen Harper visent, pour les prochaines élections, cinq ou six circonscriptions, en plus des dix déjà détenues par le PCC, alors que leur liste de circonscriptions «prenables» en comptait une vingtaine l'an dernier.

Seul changement notable, le Parti conservateur a embauché Claude Durand, candidate battue dans Trois-Rivières aux dernières élections, comme organisatrice en chef au Québec. Cette nomination ne fait toutefois pas l'unanimité, notamment à cause du manque d'expérience politique de Mme Durand.

Perçue comme une vedette montante dans une circonscription «prenable», Claude Durand a connu une campagne pitoyable et a été platement battue en octobre dans Trois-Rivières.

On constate par ailleurs que les deux sénateurs québécois nommés par Stephen Harper en décembre, Léo Housakos et Michel Rivard, figurent dans les échelons supérieurs de l'organigramme du Parti conservateur au Québec. Non seulement M. Harper a-t-il renié sa promesse de ne pas «paqueter» le Sénat avant que l'institution n'ait été réformée, mais, en plus, il y a placé deux de ses organisateurs, ce qui leur donne un bureau à Ottawa, un généreux salaire, le titre d'honorable et l'accès au caucus du parti. En bref, le genre de manoeuvres dénoncées à grands cris par les conservateurs quand les libéraux étaient au pouvoir.

En plus, disent les «vieux» bleus nationalistes du Québec. MM. Rivard et Housakos sont de l'aile réformiste (Michel Rivard, ancien député du Parti québécois dans Vanier a été organisateur pour le Reform Party de Preston Manning dans les années 90) et non pas de l'aile progressiste qui avait permis à Brian Mulroney de percer au Québec.

Pendant que les conservateurs broient du noir, les libéraux, eux, se réorganisent au Québec et courtisent allègrement les bleus déçus. Dans les rangs conservateurs, on craint même des défections prochaines.

Le plus cocasse de l'affaire, c'est que l'un des grands responsables de la réorganisation des libéraux de Michael Ignatieff au Québec est Marc-André Blanchard, ami et collaborateur de Jean Charest, ancien chef conservateur.

Voilà qui n'aidera pas les relations, déjà cahoteuses, entre le gouvernement de M. Harper et celui de M. Charest.

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