Jean Charest s'attend déjà depuis quelques jours, avec raison, à être la cible de toutes les attaques ce soir au débat des chefs. Le plus récent sondage CROP dont nous publions les résultats ce matin, qui confirme son avance, ne fera que renforcer la hargne de ses deux adversaires à son endroit.

Mario Dumont et Pauline Marois doivent être perplexes: normalement, le parti au pouvoir perd des plumes pendant une campagne électorale. À plus forte raison quand il impose des élections anticipées à un électorat usé et mécontent.

 

Pas cette fois. Au contraire, le Parti libéral du Québec a pris sept points depuis le déclenchement, passant de 38 à 45% au cours du dernier mois.

À l'opposé, l'ADQ poursuit sa descente aux enfers, ne récoltant plus que 12% des intentions de vote, soit son score des élections de novembre 1998 (seul Mario Dumont avait été élu pour l'ADQ).

En sport comme en politique, les adversaires désespérés sont souvent les plus imprévisibles.

Mario Dumont sera donc à surveiller, ce soir. Pour lui, ça devient une question d'honneur. Il doit absolument tenter quelque chose pour sauver les meubles et peut-être son avenir politique et celui de son parti.

Le Parti québécois s'en tire mieux que son infortuné adversaire adéquiste, mais le mieux que peut viser Pauline Marois pour le moment, c'est le poste de chef de l'opposition officielle.

Le PQ reprend, légèrement, la tête auprès des électeurs francophones (39-36) mais il n'arrive pas à s'arracher de son score moyen des derniers mois, soit 32%. Depuis que Pauline Marois a pris la direction du PQ, il y a 18 mois, les intentions de vote restent collées à ce niveau.

Au cours de la même période, le Parti libéral a pris 17 points, passant de 28 à 45% et l'ADQ a perdu... 17 points. Pas besoin d'un doctorat en mathématique pour suivre le transfert des votes.

La force du PQ chez les francophones laisse entrevoir de belles batailles avec les libéraux dans le 450, mais ce sondage place Jean Charest en territoire majoritaire néanmoins, à cause du bassin de circonscriptions acquises au PLQ (près de 30).

À 36% chez les francophones, les libéraux font beaucoup mieux que lors des dernières élections. En mars 2007, Léger Marketing avait estimé que le PLQ n'avait recueilli que 25% du vote francophone.

Ce nouveau CROP indique bien l'urgence de brasser la cage pour Pauline Marois et Mario Dumont, mais il démontre aussi que leur stratégie, à ce jour, n'a pas fonctionné. Que faire pour renverser la vapeur?

Penser que l'on peut y arriver en un seul débat, c'est sombrer dans la pensée magique. Et risquer de se casser la gueule en forçant trop la note.

Les débats sont des étapes importantes des campagnes électorales, certes, mais ils sont plus souvent ternes et sans conséquence que déterminants.

De plus, le gagnant présumé de la confrontation télévisée remporte un beau succès d'estime, mais pas nécessairement plus de votes.

Même une performance ordinaire ou carrément mauvaise n'est pas synonyme de désastre automatique. Sinon, Stephen Harper ne serait plus premier ministre aujourd'hui. Jean Charest ne devrait donc pas trop s'en faire: on peut survivre à deux heures de bing-bang-rentre-dedans de la part des partis de l'opposition.

La performance d'un chef au débat peut confirmer une tendance, à la hausse ou à la baisse, toutefois.

Mario Dumont, la dernière fois, avait ainsi concrétisé l'impression qu'il avait clairement le vent dans le dos. Jean Charest, par contre, avec une performance ronflante, avait conforté bien des électeurs dans leur choix d'«essayer» l'ADQ.

Au PQ comme au PLQ, on tentait encore hier de réduire les attentes, question de tomber de moins haut en cas de cahot.

La préparation (sans simulation) du chef libéral était terminée hier à 15h et il devait se soumettre à une autre ronde aujourd'hui. L'ambiance était plutôt relaxe, hier dans l'entourage de Jean Charest.

«On se prépare tous les jours pendant une campagne, il s'agit maintenant de nous assurer que le chef puisse faire passer son message», a simplement résumé un de ses collaborateurs.

Du côté du PQ, la préparation était plus intense. Et on avait déjà affûté les couteaux.

«M. Charest dit qu'il sera le centre de toutes les attaques, mais il a préféré assister au match de la Coupe Grey plutôt que de faire ses devoirs et ses leçons, ce qui est typique de M. Charest», a lancé un proche de Pauline Marois.

Puis, question de réduire les attentes: «Les libéraux répètent que Pauline Marois a déjà fait des débats parce qu'ils veulent augmenter les attentes dans son cas, mais débattre contre Ghislain Lebel ou Jean-Claude St-André (lors de la course à la direction du PQ), ce n'est pas tout à fait de même calibre que Jean Charest et Mario Dumont.»

Madame, Messieurs, veuillez vous asseoir (on débat assis, maintenant), la table est mise.

Courriel Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca