Si vous êtes allergique aux guerres de chiffres sur fond de batailles politiques, n'écoutez pas les nouvelles cette semaine et ne lisez pas les journaux.

Trouvez n'importe quoi: faites la queue pour changer vos pneus, ramassez les feuilles ou concentrez-vous sur des mots croisés.

Vous pouvez aussi faire comme le reste de la planète et vous passionner pour la présidentielle américaine mardi. Mais d'ici à samedi, même avec beaucoup d'efforts, nos affaires vous auront probablement rattrapé.

La semaine s'annonce chargée, en effet: guerre de chiffres entre Ottawa et les provinces, autre guerre de chiffres entre le gouvernement Charest et les partis de l'opposition et, pour finir, déclenchement des élections à Québec.

Ça commence ce matin à Toronto, par une rencontre fédérale-provinciale des ministres des Finances. Mine de rien, ce sera le premier acte de la nouvelle campagne électorale québécoise et le début du troisième round d'un étrange combat de boxe entre Jean Charest et Stephen Harper.

Aujourd'hui, donc, à Toronto, les provinces vont se faire dire par le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, que le gouvernement canadien se dirige tout droit vers un déficit et que, malheureusement mais on n'a pas le choix, il va falloir couper dans les milliards du programme de péréquation.

La semaine dernière, tout juste confirmé dans ses fonctions, le ministre Flaherty a déjà préparé le terrain: «C'est un programme fédéral et nous allons limiter son augmentation, a-t-il déclaré jeudi. Ce n'est pas optionnel, nous devons le faire pour protéger la pérennité du programme.»

Reste à savoir combien et comment, mais déjà on peut entendre hurler les provinces, dont la ministre québécoise Monique Jérôme-Forget, qui doit présenter plus tard cette semaine une mise à jour des finances de la province. Quand le gouvernement Charest réclame une limite au pouvoir fédéral de dépenser, il ne pense certainement pas à une diminution (comme dans les années 90) de la péréquation.

Jean Charest, qui est déjà à couteaux tirés avec le gouvernement Harper, n'aura d'autre choix, à l'aube d'une campagne électorale, que de promettre de mener une bataille sans merci pour obtenir le maximum d'Ottawa.

Vous pouvez déjà entendre l'argument électoral: seul un gouvernement libéral fort peut se dresser devant ces odieuses compressions du fédéral et préserver l'équilibre budgétaire à Québec.

D'où le premier acte de la campagne québécoise. Et d'où le troisième round du combat entre Jean Charest et Stephen Harper, deux adversaires qui étaient pourtant alliés il n'y a pas si longtemps. La rencontre d'aujourd'hui à Toronto met donc la table pour le sommet des premiers ministres du pays, convoqué par Stephen Harper le 10 novembre à Ottawa, en pleine campagne électorale québécoise.

Les grands cris de Québec n'émouvront toutefois pas beaucoup Stephen Harper, qui se souvient trop bien - c'était le premier round - de la décision de Jean Charest d'utiliser les centaines de millions du déséquilibre fiscal pour offrir des baisses d'impôts aux Québécois à une semaine du vote, en mars 2007.

Surtout, Stephen Harper et ses conservateurs se souviennent trop bien du deuxième round, celui qui vient tout juste de prendre fin avec la campagne fédérale. À Ottawa, les conservateurs reprochent à Jean Charest et à ses ministres d'avoir tout fait pour aider le Bloc québécois en tapant sur les clous de la culture et des jeunes contrevenants.

Si la majorité a échappé à M. Harper, c'est, disent les conservateurs, beaucoup à cause de Jean Charest. Alors si vous pensez que ce même M. Harper va aider M. Charest à obtenir la sienne, c'est que vous confondez boxe et danse sociale.