Le Parti libéral ferait-il concurrence au Parti québécois?

Pas sur le terrain politique, mais bien pour la surconsommation de chefs.

Après avoir gardé John Turner pendant six ans et Jean Chrétien, treize ans, les libéraux devront vraisemblablement changer de chef pour la troisième fois en cinq ans.

Cela viendra d'ici la fin de 2008 ou, plus probablement, au printemps 2009, mais les libéraux remplaceront Stéphane Dion.

 

Stephen Harper est chef du Parti conservateur depuis 2004, Jack Layton dirige le NPD depuis 2003 et Gilles Duceppe règne sur le Bloc depuis 1997. Les libéraux, eux, devront choisir un quatrième chef en un peu plus de cinq ans.

La dégelée de mardi soir (le pire résultat, avec 26%, de l'histoire du PLC) signifie la fin du séjour trouble de Stéphane Dion à la tête des libéraux. Reste à savoir quand, aujourd'hui ou dans quelques jours, et comment cela se fera, dans l'honneur ou dans la douleur.

Le résultat sera le même, mais la suite des choses pourrait être plus douce si M. Dion ne s'accroche pas, permettant à son parti de mettre rapidement en branle une nouvelle course à la direction. Pour le moment, M. Dion est complètement isolé et il semble qu'il ne soit pas prêt à lâcher prise, ce qui laisse présager des moments pénibles au Parti libéral.

Ce que l'on disait hier au sein du caucus libéral et chez les stratèges, c'est que Stéphane Dion n'a pas le choix de partir. Dès mardi soir, à son quartier général dans Saint-Laurent-Cartierville, même son entourage reconnaissait que c'était la fin de M. Dion à la tête des libéraux.

«Il va partir, mais il ne veut pas qu'on le pousse dehors, il voudrait rester encore quelques mois, le temps que l'on choisisse un nouveau chef», résumait hier un libéral influent.

Une autre source bien placée confirme que Stéphane Dion a durement encaissé le choc, mardi soir, et qu'il est encore sous le choc. «Stéphane était frustré en voyant les résultats et sa femme, Jeannine, était très, très émotive», raconte notre source.

Une entente avec le Parti libéral pour recueillir les quelque 200 000$ qu'il lui reste toujours à rembourser pour sa course à la direction de 2006 pourrait aussi adoucir son départ.

Donc, préparons l'inévitable. Voici une liste (incomplète et à parfaire au fil des rumeurs) des aspirants, en commençant par les deux favoris: Michael Ignatieff et Bob Rae.

> Michael Ignatieff: il a toujours des appuis solides, surtout au Québec, et il consulte activement depuis mardi soir. Toutefois, sa défaite en 2006, alors qu'il était favori, a refroidi plusieurs de ses partisans. On dit aussi que son épouse, Zsuzsanna, n'aime pas beaucoup la politique.

> Bob Rae: il a placé ses pions dans l'appareil du parti et dans l'entourage de Stéphane Dion, ce qui permettrait une transition en douceur. M. Rae entretient aussi un réseau impressionnant dans tout le pays. Un gros point faible, toutefois: son héritage d'ex-premier ministre néo-démocrate en Ontario. Les libéraux, qui ont déjà perdu 17 circonscriptions en Ontario et qui ont vu leur majorité fondre presque partout où ils ont réussi à garder leurs sièges, craignent de subir leur coup de mort avec Bob Rae à la tête du PLC aux prochaines élections.

> Martha Hall Findlay: fraîchement réélue dans Willowdale (Toronto), Mme Hall Findlay a récolté un grand succès d'estime lors de la dernière course à la direction. Bilingue, jeune et brillante, elle serait aussi la seule femme (pour le moment) dans cette nouvelle course.

> Gerard Kennedy: son nom circule, mais surtout pour rappeler qu'il s'est «brûlé» au congrès de 2006 en se rangeant derrière Stéphane Dion, ce qui allait permettre à ce dernier de l'emporter. M. Kennedy, ancien ministre de l'Éducation en Ontario, a été élu aux Communes pour la première fois mardi soir.

> Denis Coderre: l'incontournable Denis Coderre a failli se lancer en 2006 et il y songe sérieusement encore cette fois. Grande notoriété et bon réseau au Québec, mais le PLC élira-t-il un troisième Québécois de suite?

> Martin Cauchon: ancien ministre et protégé de Jean Chrétien, Martin Cauchon s'ennuie de la politique active. On l'a beaucoup vu à RDI pendant la campagne électorale, mais il est hors circuit à Ottawa depuis maintenant quatre ans. Rude bataille en vue au Québec entre MM. Coderre, Ignatieff et Cauchon.

> Scott Brison: jeune député réélu dans Kings-Hants en Nouvelle-Écosse, il a tenté sa chance, sans grand succès en 2006, et il pourrait être tenté de remettre ça.

> Dominique LeBlanc: jeune, bilingue et doté d'un sens de l'humour irrésistible, le jeune député acadien de Beauséjour (et fils de Roméo LeBlanc) est méconnu du grand public, mais jouit d'une bonne réputation au sein du caucus libéral. S'il décide de se lancer, M. LeBlanc pourra compter sur des appuis solides, dont celui de la richissime famille Irving du Nouveau-Brunswick et de libéraux influents tels Ken Dryden et Brian Tobin.

> Frank McKenna: un autre candidat potentiel du Nouveau-Brunswick. Le nom est connu, mais deux problèmes majeurs jouent contre M. McKenna: il est hors circuit depuis près de 10 ans et il ne parle pas français.

> Dalton McGuinty: le premier ministre ontarien, parfaitement bilingue et plutôt sympathique, quittera-t-il Queen's Park au début de son deuxième mandat (au moment où de gros nuages s'accumulent au-dessus de l'économie ontarienne) pour devenir chef de l'opposition à Ottawa? C'est douteux, mais le nom de M. McGuinty circule et il s'agirait sans contredit d'une grosse prise.

> John Manley: l'ancien ministre libéral a quitté la politique active il y a quatre ans, mais il n'est jamais très loin. Bilingue et expérimenté, il s'est toutefois aliéné beaucoup de ses ex-collègues libéraux en acceptant de diriger, à la demande de Stephen Harper, une commission sur la mission canadienne en Afghanistan.

> Justin Trudeau: tout juste élu aux Communes, Justin Trudeau fait rêver les nombreux nostalgiques de l'ère Trudeau. Ses proches lui conseillent toutefois de passer un tour, question de prendre de l'expérience et de mûrir. Ses détracteurs au sein du parti lui reprochent d'être superficiel et de surfer sur le nom de papa. Maintenant qu'il est élu, Justin Trudeau devrait peut-être, en effet, publier des textes d'opinion sur les politiques publiques dans La Presse ou Le Devoir, ou même un livre, plutôt que d'exposer sa famille dans La Semaine.

Pour joindre notre chroniqueur vincent.marissal@lapresse.ca