Nouvelle campagne électorale, nouvelle crise existentielle au Bloc québécois. Comme, en plus, le Bloc fête cette année ses 18 ans, la majorité donc, la crise est encore plus profonde que d'habitude.

On peut évidemment mettre en doute les motivations de certains ex-députés du Bloc cités hier dans nos pages, puisque ceux-ci ont quitté le parti en très mauvais termes.

 

Cela dit, on ne peut nier que l'on entend beaucoup, parmi les électeurs souverainistes, cette lancinante question depuis le début de la campagne. Pourquoi continuer de voter Bloc?

«Je suis souverainiste, je vais voter Bloc, mais je le ferai par habitude, pas par conviction. Plutôt par rejet aussi des autres partis», me disait récemment un ancien candidat du Parti québécois aux élections de 1994.

Le Bloc, donc, par habitude et sans enthousiasme.

Et si, contrairement à ce que l'on entend beaucoup ces jours-ci, le Bloc québécois était plus pertinent que jamais à Ottawa? Du moins, plus utile que jamais?

Le Bloc, Gilles Duceppe a raison de le dire, est pour le moment tout ce qui sépare les conservateurs de Stephen Harper d'une majorité. C'est le tampon, le contrepoids.

Or si les Québécois se montrent réceptifs aux conservateurs, ils sont majoritairement inquiets de la montée de la droite et ils entretiennent des doutes par rapport aux visées réelles de Stephen Harper. Fondés ou non, ces doutes bien présents et répandus.

Les Québécois semblent prêts à un changement, mais par étape. Ils veulent passer à autre chose, mais ils ne sont pas disposés à se jeter dans les bras de Stephen Harper. Leur relation avec le chef conservateur est encore hésitante et son parti a encore du travail à faire pour les convaincre. En attendant, il faut bien que les Québécois votent pour quelqu'un. Les libéraux sont discrédités, le NPD et les Verts sont à la mode en ville, mais pas en région. Reste donc le Bloc.

Voici comment une électrice de Vaudreuil-Soulange résumait ses sentiments électoraux, samedi dans un courriel: «J'ai toujours été souverainiste, mais cette option est moins séduisante depuis quelques années. Le Bloc, c'est l'opposition sans espoir, mais quel choix me reste-t-il? Les conservateurs ne m'intéressent pas et Stéphane Dion m'horripile» Joyeux dilemme à régler d'ici le 14 octobre

Il est possible que cette électrice finisse par mettre son petit x à côté du nom de la candidate du Bloc, mais combien d'élections encore répétera-t-elle ce geste? Et, question encore plus lancinante pour le Bloc québécois, combien d'électeurs décideront plutôt de faire un x sur ce parti, et non pas à côté du nom de ses candidats?

Après 18 ans, ce n'est pas la présence du Bloc à Ottawa qui cause problème, mais bien la justification de cette présence. Les députés du Bloc sont comme ces soldats italiens dans le magnifique film Mediterraneo, oubliés dans une petite île grecque en 1945, qui ne savent pas que la guerre est finie depuis des années et qui vivent la belle vie en harmonie avec leurs «ennemis».

Le vrai débat, ce n'est pas la pertinence du Bloc québécois comme parti aux Communes, mais sa raison d'être même, son objectif premier.

Gilles Duceppe et sa bande ne forment plus le front outre-outaouais de la bataille pour la souveraineté du Québec. Ils représentent maintenant le contrepoids culturel du Québec à la droite conservatrice.

Gilles Duceppe ne peut donc plus dire qu'un vote pour le Bloc est un vote pour la souveraineté. Certains le sont, mais ce n'est certainement pas automatique, comme ça l'était dans les premières années du parti.

Si le Bloc se présente comme un rempart, il doit aussi accepter de jouer le jeu à la Chambre des communes. Il ne peut plus miser sur l'affrontement et la préparation du référendum, puisque ce n'est pas là-dessus qu'il fait campagne et ce n'est plus pour ça que les Québécois lui accordent leur vote.

Le Bloc ne peut plus menacer en permanence de renverser le gouvernement sous prétexte qu'il est nuisible au Québec. La logique duceppienne voulant que l'on défasse un gouvernement minoritaire pour s'assurer qu'il soit toujours minoritaire 35 jours plus tard ne survira pas à ces élections.

Malgré la rhétorique belliqueuse, le Bloc est devenu, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la preuve que le fédéralisme fonctionne plutôt bien. Avec tiraillements, comme toutes les fédérations, mais somme toute assez bien. Jetez un oeil au bilan que dresse le Bloc de son action à Ottawa sur son site internet, vous constaterez les gains réalisés au sein du Parlement fédéral.

Le Bloc devrait donc s'engager, cette fois à accepter son rôle de balance du pouvoir, s'il en hérite de nouveau. Se présenter comme le dernier rempart à un gouvernement majoritaire et refuser par la suite d'assumer pleinement la balance du pouvoir, c'est de la fausse représentation.

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