Nouvelle journée de campagne électorale, nouvelles gaffes chez les libéraux et les conservateurs.

Au-delà de l'anecdote, les gaffes du jour ont permis hier de voir clairement la différence de personnalité des deux hommes.

Du côté conservateur, Stephen Harper aura mis moins d'un quart d'heure pour tabletter le directeur des communications de son parti, Ryan Sparrow, qui a envoyé un courriel inconvenant à un journaliste à propos du père d'un soldat mort en Afghanistan.

 

De toute évidence, M. Harper n'a pas l'intention de se laisser distraire par les bourdes de ses collaborateurs. Plus tôt cette semaine, il s'est excusé auprès de Stéphane Dion et a fait retirer une pub internet montrant un oiseau déféquant sur le chef libéral.

Réaction rapide, certes, mais le chef conservateur ne pourra pas passer le reste de sa campagne à s'excuser tous les jours. «Il a clairement passé le message et tout le monde a intérêt à avoir compris», a indiqué hier une proche collaboratrice de M. Harper.

Du côté libéral, autre controverse, autre réaction. Malgré la grossièreté des déclarations passées de son candidat dans Québec, l'ex-animateur de radio Simon Bédard, selon qui l'armée aurait dû faire le ménage dans les réserves mohawks, il a fallu de longues heures à Stéphane Dion pour faire ce qui devait être fait: éjecter son candidat.

La réalité, c'est que M. Dion n'a pas vraiment le luxe de virer des candidats. Il a eu déjà tellement de mal à trouver ceux qu'il a et la liste des remplaçants est courte. Ceci explique cela: le Parti libéral vit le principe de la saucisse Hygrade à l'envers.

Au fait, le désistement de M. Bédard est une bien mauvaise nouvelle pour le Bloc québécois, qui essaye de conserver sa seule circonscription à Québec (Christiane Gagnon y est députée depuis 1993). Les libéraux étant complètement désorganisés, ce sera une lutte à deux qui pourrait favoriser les conservateurs.

Maintenant que le «méchant» est sorti dans cette première semaine, peut-on espérer un débat d'idées, de programmes, de politiques?

Souhaitons-le, parce que la campagne qui se dessine sous nos yeux, sans aller jusqu'à dire qu'elle est la plus importante de l'histoire du Canada, offre non seulement des styles de leadership différents, mais surtout, des programmes différents.

Cette campagne s'articule de plus en plus clairement sur l'axe gauche-droite, reléguant loin derrière le lancinant débat souveraineté-fédéralisme, malgré les efforts de Stephen Harper pour souffler sur les braises, hier.

M. Harper a surpris ses adversaires en ramenant la question nationale sur le tapis, lors d'un discours à Montréal. Selon le chef conservateur, le Tournant vert des libéraux sera catastrophique non seulement pour l'économie du pays, mais aussi pour l'unité nationale parce qu'il créera de nouvelles disputes entre Ottawa et les provinces.

Suivez le raisonnement: les libéraux imposent de nouvelles taxes avec leur plan vert pour créer de nouveaux programmes fédéraux, qui provoqueront la colère des provinces et réveilleront les ardeurs souverainistes au Québec.

Wow! Tout un spin, comme on dit en politique. L'unité nationale par le désengagement de l'État!

Parce qu'au-delà de l'affrontement classique avec les souverainistes, ce que M. Harper a exposé hier, c'est sa philosophie profonde: moins de taxes, moins d'État, plus d'argent dans les poches des contribuables, moins de programmes fédéraux et moins d'interventions du gouvernement.

Les libéraux, eux, proposent une série de taxes «vertes» qui procureraient jusqu'à 15 milliards par année au gouvernement, qui les redistribuerait en nouveaux programmes de toutes sortes.

Les conservateurs n'ont pas de véritable plan pour l'environnement. M. Dion, lui, joue son avenir politique et en grande partie l'avenir de son parti, sur son Tournant vert.

Stéphane Dion dévoilera d'ici 10 jours un programme typiquement libéral avec de nouveaux programmes sociaux, des sous pour la culture, pour les chômeurs, pour les régions et il bonifiera encore ces prochains jours son Tournant vert. M. Harper, de son côté, nous a posément expliqué hier que moins l'État interviendra, mieux le pays se portera. Économiquement et politiquement.

Nous sommes ici devant un classique débat gauche-droite. D'où le problème majeur pour Stéphane Dion: la droite est unie, mais la gauche est actuellement éclatée en trois pôles (PLC, NPD, verts) et même en quatre au Québec, si on ajoute le Bloc québécois.

Stéphane Dion n'a pas l'ascendant pour unir cette gauche. Il n'a pas le temps non plus et son parti n'est pas prêt à tendre la main aux autres partis. Coalition signifie compromis et trop de libéraux pensent encore que le PLC est le «parti naturel de la gouvernance» au pays. Ils pensent que ce n'est qu'un mauvais moment à passer et qu'ils retrouveront vite le pouvoir.

De plus, au Québec, toute alliance formelle des libéraux avec le Bloc est impossible. Ailleurs, une alliance serait plus naturelle avec le NPD, mais les quatre dernières années de gouvernement minoritaire à Ottawa ont démontré que les deux partis n'ont aucun projet en ce sens.

Reste les verts, dont la chef, Elizabeth May, a déjà tissé des liens avec Stéphane Dion. Celui-ci serait-il prêt à aller aussi loin que de promettre un poste de ministre aux verts? Ou, à tout le moins, une forme d'alliance formelle.

Si Mme May est intéressée, elle n'a jamais été en aussi bonne position pour lancer le débat dans la cour des libéraux.