Pourquoi maintenant? La question revient souvent ces jours-ci dans mon courriel, en ondes et dans les conversations d'ascenseur.

Pourquoi? C'est simple: parce que Stephen Harper pense qu'il a une chance de gagner maintenant et qu'en politique, le contrôle de l'échéancier est crucial. Les chefs politiques qui gagnent sont ceux qui mènent, ceux qui prennent des risques, pas ceux qui suivent la parade.

On a tendance à l'oublier, mais Jean Chrétien a gagné deux de ses trois majorités (en 1997 et en 2000) en déclenchant des élections anticipées, chaque fois avec moins de quatre ans de mandat écoulés.

Cela dit, l'audace côtoie souvent le cynisme en politique. Et pour un homme qui s'est fait élire, il y a 30 mois en promettant d'assainir les moeurs politiques à Ottawa, Stephen Harper pousse loin le bouchon du cynisme ces jours-ci.

Que le premier ministre veuille des élections maintenant, sous des cieux favorables et au moment où son principal adversaire est désorganisé, c'est tout à fait normal. Qu'il y ait des élections plus tôt que tard, c'est souhaitable parce que ce gouvernement tourne à vide depuis des mois. Des élections permettraient de repartir sur une nouvelle base, avec un nouveau mandat, dans une ambiance plus constructive.

M. Harper exagère fortement quand il dit que le Parlement est dysfonctionnel, mais il est vrai que les esprits partisans échauffés par des mois de lutte féroce rendent difficile tout débat serein.

Cela dit, Stephen Harper a tort de dire qu'il DOIT déclencher des élections parce que les partis de l'opposition refusent de s'engager à le laisser gouverner jusqu'à la fin prévue de son mandat, en octobre 2009.

Primo, depuis quand les partis de l'opposition signent-ils un chèque en blanc au chef d'un gouvernement minoritaire? M. Harper a dit mardi qu'il lui est impossible de gouverner, notamment parce que lui et Stéphane Dion divergent d'opinion sur les grandes questions économiques. Ce qu'il oublie de dire, c'est que ce même Stéphane Dion a permis aux conservateurs de passer leurs deux derniers budgets et le dernier discours du Trône. Par ailleurs, rien n'indiquait que le chef libéral s'apprêtait à renverser le gouvernement l'automne prochain.

Secundo, c'est Stephen Harper qui a fait adopter, par pure idéologie, une loi prévoyant des élections à date fixe. Comment se fait-il que le grand stratège Harper n'ait pas réalisé à l'époque qu'il s'attachait lui-même les mains dans le dos? Résultat: il est aujourd'hui obligé de faire des contorsions pour se déprendre et renier sa propre loi.

Habile, la stratégie de M. Harper est aussi très cynique. En lançant, de façon anodine, il y a deux semaines, qu'il devra peut-être prendre une décision parce que le Parlement ne fonctionne pas, il a planté une graine qui a germé. Il a arrosé cette graine encore la semaine dernière, au point où on s'est fait à l'idée que des élections étaient devenues inévitables, tout en essayant d'en faire porter l'odieux à Stéphane Dion.

Pour ne pas effrayer l'électorat, M. Harper a même dit la semaine dernière que les prochaines élections produiront vraisemblablement un autre gouvernement minoritaire. M. Harper s'était en effet tiré dans le pied en 2006 en évoquant la possibilité d'un gouvernement conservateur majoritaire.

La stratégie est d'un cynisme consommé, mais elle s'appuie en plus sur la certitude, chez les conservateurs, que les électeurs, même s'ils reprochent à M. Harper de renier sa loi sur les élections à date fixe, auront oublié ce «léger» détail le jour du vote.

Le pire, c'est que les conservateurs ont raison: une fois que la campagne électorale est en marche, on oubliera bien vite les raisons qui nous y ont menés. Après 35 jours de campagne, les électeurs font un X à côté du nom du candidat qu'ils veulent élire, pas un X sur le parti qui est responsable de la tenue du scrutin.

Le rôle de la GG

À part du "pourquoi maintenant?" des derniers jours, une autre question revient souvent à l'aube de cette inévitable campagne: la gouverneure générale pourrait-elle dire non à M. Harper qui lui demandera de dissoudre le Parlement pour déclencher des élections?

Refaisons donc nos devoirs. La réponse est oui, en théorie, mais en pratique, la convention veut que la GG acquiesce toujours à la demande du premier ministre, indique le constitutionnaliste de l'Université d'Ottawa, Sébastien Grammond.

Sous-question, telle que formulée par un lecteur: est-ce que la gouverneure générale pourrait demander à l'opposition de former un gouvernement jusqu'à l'an prochain (les prochaines élections)?

La réponse est non. Pour ce faire, il faudrait d'abord que l'opposition retire sa confiance au gouvernement aux Communes et, ensuite, que la GG refuse la demande de dissolution du premier ministre.

Désolé, vous n'y échapperez pas, il y a aura bel et bien des élections.

Cauchon dans Outremont?

La rumeur revient à toutes les élections, mais pour cette fois, c'est sérieux, dit-on au Parti libéral: Martin Cauchon reprendrait du service et tenterait de reprendre son ancienne circonscription aux mains du néo-démocrate Thomas Mulcair.

On raconte que Stéphane Dion et, plus récemment, Bob Rae, ont tenté de convaincre l'ex-ministre de la Justice de Jean Chrétien de revenir en politique et que celui-ci serait fortement tenté.

Officiellement: "Pas de commentaires, nous ferons des annonces sous peu", dit Robert Fragasso, président du PLC-Québec.

Officieusement: "Le nom de Cauchon circule en effet et c'est un scénario très probable sur lequel on travaille très fort", indique une source bien informée.

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