Saviez-vous qu'à Montréal, si vous faites pousser des carottes dans votre cour ou sur votre toit, vous ne pouvez pas les vendre ?

Essayez de comprendre le pourquoi.

C'est un des milliers de règlements municipaux, oubliés, incohérents ou ridicules, qui étouffent le développement des villes et la qualité de vie des habitants. Mais Montréal, ai-je appris, est sur le point de légaliser la vente de fruits et légumes cultivés sur le toit des immeubles du centre-ville. Cela ne changera pas votre vie ni la mienne, mais sans doute celle des agriculteurs urbains.

Des centaines de toits de Montréal pourront verdir, se transformer en potagers et devenir de petites PME.

Un des premiers potagers du genre, sinon le premier, a fait son apparition en 2011 sur les toits du Palais des congrès, au coeur de la ville, pour lutter contre les îlots de chaleur, améliorer la qualité de l'air et augmenter la production potagère. Je l'ai visité hier avec Jean-Philippe Vermette, cofondateur d'AU/LAB (Laboratoire de recherche, d'innovation et d'intervention en agriculture urbaine), dont c'est le projet.

Aux 5000 mètres carrés consacrés à la culture de tomates, d'aubergines et de dizaines d'autres légumes dans des bacs depuis cinq ans, on vient tout juste d'ajouter un drôle de jardin vertical de 5000 mètres carrés sur échafaudage. Une première en Amérique du Nord, qui s'inspire du potager vertical sur le toit des Galeries Lafayette, à Paris.

De quoi s'agit-il ?

D'une culture hors-sol biologique sans produits chimiques. Les légumes poussent sur des membranes de feutre organique qui sont mouillées en permanence. Au Palais des congrès, on a planté, à titre expérimental, des fines herbes, des légumes à feuilles, des fraises et des fleurs comestibles. Et on compte bien les vendre aux chefs des restaurants montréalais, à commencer par Normand Laprise dont le Toqué ! est à deux pas.

Montréal ne le permettait pas. Mais ce ne sera plus le cas dès demain, avec l'adoption en troisième lecture de la nouvelle réglementation, à la séance du conseil d'arrondissement.

Grâce à ce règlement, ce jardin, comme d'autres appelés à pousser sur les toits du centre-ville, pourrait devenir rentable. Depuis 2011, Capital Traiteur, qui gère les cuisines du Palais des congrès, paye pour la production de fruits et légumes sur le toit, et obtient, en contrepartie, l'exclusivité des récoltes.

« Moi, je veux partir avec ma botte de persil et aller la vendre aux chefs de Montréal dans un périmètre d'un kilomètre. » - Jean-Philippe Vermette, cofondateur d'AU/LAB

Un exercice qui pourrait rapporter gros. À titre d'exemple, Jean-Martin Fortier, gourou de l'agriculture biologique au Québec et copropriétaire des Jardins de la Grelinette, à Saint-Armand, dégage environ 150 000 $ de revenus agricoles d'une terre d'un peu moins d'un hectare. La superficie du toit du Palais ? 2,4 hectares. Et avec le jardin vertical, cette superficie pourrait être multipliée par quatre puisque la technologie est justement verticale...

Pour les curieux, comme moi, ce jardin n'est pas encore accessible aux visiteurs, mais il va le devenir. On veut en effet développer un volet agrotouristique sur le toit du Palais avec des 5 à 7, des cueillettes de fraises, des événements d'entreprise. Tout ça avec une vue imprenable sur Montréal.

Ce projet est un petit pas, mais un pas de plus pour faire de Montréal une ville plus verte, plus durable, où il pousse autre chose que du béton. Il s'inscrit dans la même logique que le retour des poules en ville et la production de miel, de plus en plus à la mode. Ça ne transformera pas Montréal en territoire agricole, ce qu'elle a déjà été, mais en une ville plus humaine et plus conviviale.

Une carotte avec ça ?