Un conseil : si vous voulez faire de votre party un succès, invitez Justin Trudeau.

Son arrivée, lundi, dans la tour de la Banque Nationale, rue De La Gauchetière, au centre-ville de Montréal, a déclenché un véritable vent de folie. J'y étais. Je voulais voir le phénomène de près. Et je peux vous assurer que la Trudeaumanie, version Justin, ne s'essouffle pas. Loin de là. Elle continue de ravir hommes, femmes, gais, hétéros, bisexuels, transgenres et queers.

Le premier ministre a multiplié les égoportraits et les accolades avec tout un chacun, comme d'habitude, prenant un bébé dans ses bras au passage et tenant à distance ses gardes du corps.

Faut dire qu'il était en territoire conquis.

La Fondation Émergence lui décernait le prix Laurent-McCutcheon pour son engagement contre l'homophobie et la transphobie, nouveau mot à la mode. Avant lui, Xavier Dolan, Ariane Moffatt, Fabienne Larouche, Michel Marc Bouchard, Dany Turcotte et Janette Bertrand étaient allés chercher ce prix décerné depuis 2003. Avec un peu moins d'impact, malgré leur célébrité.

Prenant la parole, M. Trudeau a profité de l'occasion pour annoncer qu'une loi contre la discrimination des personnes transgenres allait être mise en place mardi. Chose dite, chose faite. La ministre canadienne de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a présenté hier un projet de loi pour protéger ces personnes contre des propos insultants ou des interdictions qui leur sont opposées en raison de leur décision de changer d'identité sexuelle.

Ce projet tombe pile-poil au moment où la guerre des toilettes fait rage aux États-Unis, opposant la Caroline-du-Nord à Washington sur la question de l'utilisation des salles de bains, vestiaires et douches publiques par les transgenres.

Et ce qui est bien, c'est que l'engagement de Justin Trudeau pour les droits des personnes LGBT (lesbiennes, gaies, bisexuelles et transidentitaires) ne fait aucun doute.

Quand un gouvernement lance un projet de loi qui le place à gauche sur l'échiquier politique, comme c'est le cas avec la mesure législative C-16 déposée hier, on le soupçonne de le faire pour gagner des votes et vouloir être dans le coup. Mais dans le cas de Justin Trudeau, ce serait une erreur de le croire.

Cet engagement n'a pas pour but de courtiser l'électorat gai ou de projeter l'image d'un gouvernement cool. Il remonte à loin, bien avant son élection, et ne s'est jamais démenti au fil des ans.

Sans doute le premier ministre marche-t-il sur les traces de son père, qui a reçu le prix Laurent-McCutcheon à titre posthume, en 2005, pour avoir décriminalisé l'homosexualité, en 1969.

N'empêche. Il sera le premier chef du gouvernement canadien à participer à un défilé de la fierté gaie cet été, à Toronto, en juillet, et à Montréal, en août.

Il compte quatre députés LGBT dans son caucus. Un record pour le Parti libéral fédéral.

Il a annoncé son intention de mettre fin à l'interdiction pour les hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes de donner du sang.

Il a promis d'accorder le pardon aux gais qui ont été condamnés pour leur orientation sexuelle avant 1969.

Et il a favorisé l'entrée au pays de réfugiés syriens LGBT.

Sans parler du fait qu'il s'affiche ouvertement comme un allié des homosexuels, bis et trans.

Ça peut paraître banal de s'afficher pro-gai en 2016, mais quand on voit la réaction d'Éric Salvail, dimanche, au Gala Les Olivier, contrarié par le gag de Martin Matte sur son orientation sexuelle, on se dit que ce n'est pas si banal que ça, après tout.

Le projet de loi C-16 que le gouvernement compte faire adopter rapidement va mettre à jour la Loi sur les droits de la personne et le Code criminel pour inclure l'identité de genre et l'expression de genre. « Malgré tous les obstacles que nous avons surmontés, les batailles que nous avons gagnées et les victoires que nous avons célébrées, nous sommes encore témoins, et dans certains cas, victimes, d'injustices », a dit Justin Trudeau.

C'est la septième fois en dix ans qu'un tel projet de loi est présenté au Parlement. Cinq fois par le NPD et une fois par une députée du Parti libéral. Mais c'est la première fois que l'initiative vient du gouvernement. Et cette fois, la majorité libérale à la Chambre des communes devrait l'adopter.

La « coolitude » à la Trudeau aura payé.