On a dit toutes sortes de choses à la suite de l'apparition d'Alexandre Taillefer à Tout le monde en parle, dimanche.

De belles et de moins belles.

On a salué son courage, on a partagé sa peine, la sienne et celle de sa femme Debbie, mais on s'est aussi demandé pourquoi il avait accepté l'invitation de Guy A. Lepage. Quelle idée d'aller parler d'un sujet aussi sensible, le suicide d'un enfant, dans une émission de variétés, un dimanche soir ? Et pourquoi avoir mis Amazon au banc des accusés ? N'aurait-il pas dû percevoir les signes de désespoir de son fils, son appel à l'aide ? Car ces signes devaient bien exister, non ?

Hier, je l'ai appelé et il a accepté de me répondre. Pas pour se justifier, mais parce que je le lui ai demandé.

« J'en ai parlé à Tout le monde en parle parce que je subissais une pression médiatique depuis trois mois, m'a-t-il expliqué. J'ai dit non, non, non à toutes les demandes d'entrevues. Je ne me sentais pas capable. Quand Guy A. m'a demandé si j'accepterais d'en parler, j'aurais pu refuser. Mais j'ai consulté mon psychologue et mon psychiatre et tous les deux m'ont dit que c'était une bonne idée de faire de la sensibilisation. Alors, j'ai dit oui. »

Le regrette-t-il ? « Non. Si Debbie et moi, on est capables de faire une petite différence, d'aider ne serait-ce qu'une ou deux personnes, on aura gagné notre pari. »

Et non, il n'accuse pas non plus Amazon d'être responsable de la mort de son fils de 14 ans, qui a mis fin à ses jours le 6 décembre. Pas plus que le site Twitch, propriété d'Amazon, sur lequel Thomas avait parlé de ses idées suicidaires. Mais il persiste à croire qu'une sorte de surveillance pourrait être utile.

Mais le vrai sujet, c'est la santé mentale. Thomas souffrait de dépression profonde depuis environ quatre années. Il avait des idées noires. Ses parents le savaient, mais ce qu'ils ignoraient, c'est que les problèmes de santé mentale de leur fils pouvaient le pousser à commettre l'irréparable. La prévention du suicide n'est pas une science exacte. Il y a des choses à faire pour le prévenir et réduire son incidence, mais très souvent, on ne voit pas ce qu'on aurait voulu voir.

« La maladie mentale, ce n'est pas un malaise permanent, dit Alexandre Taillefer. C'est quelque chose dont on peut guérir, comme la grippe. Le cerveau nous joue parfois des tours passagers. Si j'avais été sensibilisé à ça, j'aurais agi différemment. Je ne croyais pas que c'était un enjeu. J'ai erré... C'est très dur pour un couple de perdre un enfant, mais Debbie ne me fait pas de reproches, on vit cette épreuve ensemble. »

Se sent-il coupable ?

« Mon psychiatre m'aide à me déculpabiliser, répond-il. Je ne pense pas avoir été un mauvais père. Je passais beaucoup de temps avec Thomas. Je soupais avec lui tous les soirs et je le réveillais le matin pour déjeuner avec lui. À ta question, je me donne "B" pour l'effort et "E" pour le résultat. »

Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de 10 à 19 ans dans le monde. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la moitié des problèmes de santé mentale touchant des adultes apparaissent avant l'âge de 14 ans, c'est donc une période vraiment critique. Mais on a tendance à taire les problèmes de santé mentale en raison des préjugés qui y sont rattachés.

« C'est un énorme tabou. On cultive sa santé physique. Mais quand vient le temps de rencontrer un psychologue, on n'en parle pas, on a honte. Il faut démystifier la maladie mentale. L'État doit faire de la prévention du suicide et de l'éducation au secondaire, au moment où les élèves sont les plus vulnérables. »

Parler du suicide d'un enfant et nourrir la réflexion collective, comme le fait Alexandre Taillefer depuis dimanche, est un pas dans la bonne direction. Et quand un animateur de radio ose écrire des choses odieuses sur Twitter, comme l'a fait dimanche Jeff Fillion, suspendu hier par la station Énergie, ça ne nous fait pas reculer. Ça nous fait avancer d'un pas de plus.