Messieurs, avez-vous pris connaissance de la plus récente initiative pour lutter contre la violence faite aux femmes ? C'est simple : mettez du rouge à lèvres.

Je ne blague pas. Vous avez jusqu'à minuit, en cette Journée de la femme, pour le faire. Appliquez du rouge sur vos lèvres, prenez-vous en photo et diffusez-la sur les réseaux sociaux avec le message de votre choix.

D'autres l'ont fait. Guy A. Lepage, le premier. Sans le savoir, il a lancé le mouvement au Québec en postant mardi dernier sur Twitter une photo de lui avec du rouge aux lèvres avec le mot-clic #mettezdurouge : « J'aime les femmes. Je respecte les femmes. Je méprise ceux qui leur veulent du mal. »

« L'Ice Bucket Challenge ne guérit pas la SLA. Le rouge à lèvres n'empêche pas les agressions. C'est un appui de solidarité », a-t-il ajouté samedi.

C'est une amie qui lui a demandé de parler de cette initiative et de faire connaître les statistiques du viol à son émission Tout le monde en parle. Guy A. n'a pas hésité une seconde et ne le regrette pas. « J'ai embarqué comme un petit soldat, m'a-t-il dit hier. Les agressions contre les femmes, ça m'a toujours horripilé. Pour moi, mettre du rouge à lèvres pour dénoncer cette violence, c'est un geste symbolique. C'est comme offrir une fleur. Ce qui est bien, c'est que depuis une semaine, on parle de cette violence. »

Au Québec, en 2013, 5500 personnes ont été victimes d'une infraction sexuelle, soit 15 par jour. Une toutes les 90 minutes. De ce nombre, 83 % étaient des femmes, selon le ministère de la Sécurité publique.

Je dis que c'est simple, mais ce n'est pas si vrai. Ça prend un peu de courage, quand on est un homme, pour se mettre du rouge à lèvres et diffuser sa photo sur les réseaux sociaux ou la publier sur l'internet (mettezdurouge@gmail.com). Il y a pire, me direz-vous. C'est bien vrai. Mais selon Alice Lepers, qui a lancé la campagne « Mettez du rouge », née en France il y a quatre ans, ce n'est pas le truc le plus simple. « Les hommes peuvent avoir l'air ridicules et se faire ridiculiser. Ils prennent ce risque. Ce n'est pas rien. »

De nombreuses personnalités, dont Jacques Dutronc, Vincent Cassel, Benjamin Biolay, Patrick Bruel, Louis Chedid, Bob Sinclar et le styliste Paul Smith, se sont prêtées au jeu, en France. Et pour la première fois, cette année, les politiciens s'y intéressent. Une photo de groupe de députés français de tous bords avec du rouge à lèvres est organisée aujourd'hui à Paris.

Au Québec, Denis Gagnon, DJ Champion, Yann Perreau, Angelo Cadet et Armand Vaillancourt ont aussi mis du rouge. La liste s'allonge d'heure en heure.

« J'adore me mettre du rouge à lèvres, confie Denis Gagnon. J'adore le rouge à lèvres, c'est merveilleux. C'est d'une grande beauté. Et j'endosse la cause. La violence faite aux femmes ne devrait jamais exister. »

Alice Lepers, ancienne attachée de presse, a créé cette campagne en 2012, après avoir lu un dossier publié dans Le Nouvel Observateur faisant état de 83 000 agressions contre des femmes chaque année. « J'ai pris peur, dit-elle. Je me suis dit que si on arrive à susciter une prise de conscience, ça va changer. Il faut faire connaître ces chiffres, il faut que ça change. » D'où l'idée de la campagne de l'homme avec du rouge à lèvres.

Photo tirée de Twitter

Guy A. Lepage a lancé un mouvement de solidarité au Québec en postant mardi dernier, sur Twitter, une photo de lui avec du rouge aux lèvres avec le mot-clic #mettezdurouge.

En d'autres mots, un homme avec du rouge à lèvres, ça attire notre attention. Encore plus s'il est connu comme Guy A. Lepage, dont une partie de l'auditoire n'est pas nécessairement sensibilisée à la question.

À défaut de faire reculer les statistiques des agressions sur les femmes, la campagne « Mettez du rouge » obtient des résultats médiatiques. Je ne vois pas pourquoi on s'y opposerait si elle permet de mettre en lumière une réalité condamnable. Ce qui n'empêche pas d'autres initiatives de voir le jour.

« Chaque année, on en parle beaucoup en France. C'est la première fois que des hommes se mettent ensemble sur le thème de la violence faite aux femmes, précise Alice Lepers. Des hommes qui se rassemblent pour dire : OK, je me sens concerné. »

Cette campagne, qui a lieu tous les ans du 8 février au 8 mars, suscite beaucoup d'adhésions, mais aussi quelques critiques, ici et de l'autre côté de l'Atlantique. N'est-ce pas un peu réducteur ? Un peu futile ? N'existe-t-il pas des moyens plus efficaces de lutter contre la violence faite aux femmes ?

« C'est sûr qu'il y a des choses plus efficaces, répond Alice Lepers. Mais moi, ce que je sais faire, c'est ça. Alors, je le fais. Si chacun prenait deux mois de sa vie et son argent personnel pour financer une action pour la cause des femmes, ça irait mieux. »

À quand une photo de Justin Trudeau avec du rouge à lèvres ?