S'il y a un homme qui peut nous faire aimer l'hiver à Montréal, c'est Pascal Lefebvre, le président d'Igloofest. Le froid ? Il aime ça. De préférence s'il fait - 10 degrés Celsius.

Cette année, cet homme fête ses 40 ans et les 10 ans d'Igloofest, un événement qu'il a fondé en 2006 avec trois amis. « Faire sortir 10 000 personnes sur un plancher de danse en plein hiver, c'est unique au monde ! », me lance-t-il derrière ses lunettes de soleil, sur le site d'Igloofest, dans le Vieux-Port de Montréal. « Le show, dit-il, c'est les gens qui le font. »

Je souhaitais le rencontrer parce qu'Igloofest change l'esprit de Montréal en célébrant l'hiver comme on ne l'avait jamais fait.

Il y a bien sûr Montréal en lumière à la mi-février. Mais le gros de ses activités, repas et spectacles, se déroule à l'intérieur, tandis que son volet extérieur, à la place des Festivals, avec ses glissades et ses kiosques de bouffe, a beaucoup plus de succès quand le temps est clément. Igloofest, lui, carbure au froid.

Non seulement il invite les Montréalais à braver le temps glacial, mais il rend aussi la ville attrayante pour les touristes en hiver. 

En plus, il donne vie à un quartier qui tourne au ralenti en janvier et février. Certains diront que cela donne l'occasion aux Québécois d'assumer leur « nordicité ». D'autres penseront que cela leur permet de traverser l'hiver. Mais peu importe les raisons, le résultat est le même : Montréal en pleine nuit et en plein air vibre comme une discothèque.

L'an dernier, sur les 74 000 personnes qui ont assisté à Igloofest, malgré les records de froid, 22 % venaient de l'extérieur du Québec, principalement de l'Ontario et des États-Unis.

J'y étais le soir de l'ouverture, le 14 janvier, pour voir et entendre Bonobo. La foule cool et compacte semblait bouger d'un seul bloc. Il y avait beaucoup de sécurité (carte d'identité exigée et fouille obligatoire à l'entrée) et pas trop d'alcool. Quand il fait - 10 degrés, on a moins soif. Il y avait surtout beaucoup de jeunes à cause du genre de musique, mais aussi parce qu'on est moins frileux à 18 ans qu'à 38.

Style vestimentaire : combinaisons de ski one-piece des années 80, manteaux rigolos, couleurs fluos.

« Avant, il y avait la messe le dimanche. Le Piknic et Igloofest, c'était pour nous une nouvelle façon de se retrouver ensemble. Ça répondait à un besoin des Montréalais », dit Pascal Lefebvre.

Avec les mêmes trois amis, Pascal a créé en 2003 le Piknic Électronik qui rassemble des amateurs de musique électronique tous les dimanches de l'été, au parc Jean-Drapeau, de mai à septembre.

Si le Piknic a lieu le jour, Igloofest se déroule tard le soir, parce que « tout est plus beau la nuit en hiver ».

Depuis quelques années, d'un peu partout dans le monde, des gens viennent rencontrer Pascal et ses amis dans le but de les convaincre d'exporter leurs concepts dans leur ville.

En 2015, des Piknics ont vu le jour à Lisbonne, Melbourne, Dubaï et Santiago. Barcelone avait le sien depuis 2012.

L'équipe de Montréal est responsable de la programmation, du marketing et des communications de tous les Piknics dans le monde. « C'est notre image, insiste Pascal. On n'est pas là pour se dénaturer. Faut partager les mêmes goûts musicaux pour que ça marche. On s'est donné les moyens de contrôler. »

Objectif : « Coproduire des Piknics dans 10 grandes villes d'ici cinq ans et travailler sur deux continents. »

Et Igloofest ?

« Igloofest, c'est le show du froid, souligne Pascal. On ne pourrait pas aller à New York. S'il ne fait pas - 10, ça ne marche pas. Ça prend du froid, de la neige, un hiver comme on le connaît. »

Cette culture de l'hiver, on la retrouve à Saint-Pétersbourg, en Russie, à Sapporo, au Japon, dans plusieurs villes de Chine, à Varsovie, en Pologne, en Suède, en Finlande, au Danemark.

« Des approches sont faites, mais les shows demandent de plus grands moyens. Produire en hiver et produire en été, c'est deux mondes. Mais la stratégie de développement est la même. On est en train de bâtir un réseau sur la planète. »

Dans la vie, rien ne préparait Pascal Lefebvre, arpenteur-géomètre de formation, à travailler dans le milieu de la culture. Sa vie a changé, en 1996, quand sa belle-mère, atteinte de sclérose en plaques, lui a suggéré d'organiser un événement de collecte de fonds. Il a accepté et mis sur pied la première Marche de l'espoir.

Cette expérience l'a amené chez Spectra, où il est resté 13 ans, avant d'être nommé directeur de la Nuit blanche, puis directeur de la programmation du Quartier des spectacles.

« Sans trop le savoir, je me suis retrouvé dans le milieu culturel qui était à l'opposé du milieu de la construction. Mais dans le fond, construire un pont ou produire un événement, c'est pas si éloigné. On travaille avec les mêmes paramètres : on gère un projet et de la main-d'oeuvre », dit-il.

Comment voit-il l'avenir d'Igloofest ?

« Le produit, on l'a. L'événement, on l'a. L'expérience est bâtie. Les gens y adhèrent et ça marche. Il faut mettre en place notre plan touristique et assurer la continuité de l'événement. Il faut qu'Igloofest devienne l'Osheaga hivernal. Ça, c'est la fenêtre qui va nous amener à l'international. »

L'Osheaga hivernal ? Préparez-vous, gens de Saint-Lambert.